2023 - 1100KM de SEVILLE vers COMPOSTELLE et FINISTERRA

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Si Don Quichotte, homme éminemment sympathique mais dont l'esprit était notoirement dérangé, pensait que les moulins à vent étaient des chevaliers géants mis sur son chemin par un ennemi non moins imaginaire, aujourd'hui nos moulins à vent à nous sont beaucoup plus réels, beaucoup plus dangereux mais non moins absurdes : les complotistes, les Sandrine Rousseau, les fonctionnaires grévistes professionnels, les écolo-politiques, les Poutine, les anti-tout, les baratineurs de tout poil dont la facilité de parler ne vient que de leur impossibilité à se taire et qui nous soulent de leur verbiage... bref tous ceux qui n'ont de cesse que de déstabiliser les équilibres de nos vies et de nos sociétés, pas si imparfaites que ça malgré tout.

Ces moulins à vent modernes s'imposent comme un défi à ce qui est devenu si rare par les temps qui courent : LE BON SENS.
Les moulins à vent modernes, c'est aussi la radicalité incroyable qui régit les relations entre les gens : il est impossible de discuter sereinement du Covid, des énergies renouvelables et autres sujets contemporains. Rapidement la tension s'installe dans les échanges et toute discussion sérieuse et apaiséee devient impossible.

Alors deux ou trois mois par an, j'ai la chance de pouvoir mettre mes pas dans ceux de Don Quichotte souvent dans la douleur mais toujours avec un bonheur immense, sur le chemin de la folie, de l'utopie, pour un combat évidemment perdu d'avance mais loin de l'insupportable toxicité générale. Je n'ai pas de Sancho Pansa comme compagnon d'aventure, seule la solitude me comble de sa fidélité. 

Cette année, ce sera l'Espagne pour une longue traversée de l'Andalousie vers la Galice : un pélerinage vers le coeur, un cheminement intérieur, un engagement physique considérable, une errance vagabondeuse et toujours une quète de sens et de spiritualité. 
Ma monture ne sera pas une Rossinante famélique mais une solide paire de chaussure de randonnée de taille 44.5 lègères et étanches. Contrairement à Don Quichotte, la mienne de Dulcinée n'est pas du tout un fantasme inatteignable mais elle est bien vivante, toujours présente, très belle et très, très aimée.

Maintenant un petit message de la part d'une association qui est très active pour l'Ukraine et pour laquelle je m'étais déjà rendu dans un camp de réfugiés à la frontière il y a un an. 


Avant le grand départ, c'est le temps du recueillement avec cette belle prière d'origine italienne. 

"Le vie verso il Signore sono spesso difficile ma sempre cosi belle ! Quando arrivero davanti alla Sua porta, Lei me lo aprira e questo sarà l'inizio di un altro viaggio meraviglioso ! "

"Les chemins vers le Seigneur sont souvent difficiles mais toujours tellement beaux ! Quand j'arriverai devant Sa porte, Il me l'ouvrira et ce sera le commencement d'un autre voyage merveilleux ! "

J-2 Séville

Si un jour vous avez la chance de venir à Séville, il n'y a qu'un hébergement possible, à savoir "La Casas de la Judeira" que je traduis à l'instinct, la Maison des Juifs. C'est un ensemble de courettes reliées par des passages pleins de recoin, de couloirs végétalisés. On s'y perd mais c'est génial. Les chambres sont très correctes. La mienne donne sur un patio où coule une fontaine qui procure une vraie fraicheur et dont le bruit de l'eau (feng shui) joue une musique apaisante dans l'état de stress affreux où je me trouve avant mon départ.

 







Je profite des 2 jours avant le début de ma marche pour reconnaitre le point de départ de mon pélerinage près de la porte sud de la cathédrale Santa Maria de Séville.


Cette énorme cathédrale est, d'après les guides locaux, la plus grande église du monde par sa taille. Elle est impressionnante et nous rappelle la puissance ancienne de cette ville. Et bien sur la foi immense de ses bâtisseurs !






A l'intérieur, dorures et magnificence. Peut-être un peu trop de dorures et de richesse pour mon goût et, à l'époque, pour le goût des adeptes de la Réforme.






On sera malgré tout très impressionné par la tombe de Christophe Collomb, énorme catafalque porté par quatre chevaliers. Tout ceci étant un peu extravagant.


Séville est une ville très belle et agréable, faite de rues étroites qui relient de petites places ombragées où il fait bon manger une glace sur la terrasse des cafés. De nombreuses fontaines rafraichissent cette fin d'août étouffante.




Malheureusement Séville est également touchée par le sur-tourisme et par endroit la cohue est épouvantable et je fuis. 


En même temps, Séville nous offre de magnifiques avenues bordées par des constructions majestueuses qui témoignent de la richesse passée ( et présente ?) de l'Andalousie.


Bizarrement, la plupart des églises sont fermées à double tour et je trouve difficile d'en trouver une pour faire mes dévotions avant mon départ. Finalement, ce sera l'église de la Santa Cruz que j'ai énormément aimé qui m'accueillera. 



J-1 Séville


Il est impensable de passer à Séville sans visiter  Palais de l'Alcazar et ses magnifiques jardins, les Jardins Murillo. Le palais lui-même a reçu de nombreuses influences depuis sa construction, l'influence arabe n'étant pas la moindre. Mais décidemment il y a trop de monde, et je me refugie dans le jardin.













Les sublimes trompettes des anges

Après avoir fait du tourisme pendant cette journée et demi, ce soir est la veille de mon départ. Depuis un bon mois je traîne une bonne appréhension, voire un solide stress pour ce voyage. J'espère que tout va bien se passer, en tout cas je ne pense pas pouvoir faire plus que je n'en ai fait pour ma préparation physique : salle de gym tous les matins et marches tous les après-midi depuis trois mois. Maintenant ce n'est plus qu'une histoire de volonté et de météo. La semaine dernière, la moyenne des températures sur Séville oscillait entre 38 et 43° ce qui n'est pas sans effets très négatifs pour le randonneur. Les prévisions pour les jours suivants sont de 33 à 34° ce qui est plus gérable.  

Maintenant c'est à la Grâce de Dieu et bon vent (de l'Esprit Saint bien sûr).

JOUR 1 : Seville vers Guillena


En ce premier matin, je m'aperçois qu'il n'est pas besoin de faire tant d'efforts que cela pour monter au Ciel, il n'y a que franchir cette porte et l'affaire est jouée. Si facile ! 

Comme il fallait s'y attendre puisque c'est la même chose à chaque voyage, le premier jour a été un peu compliqué. Au bout de 10 minutes après le départ, je m'aperçois que la poche d'eau portable (camel bag) que j'avais acheté à fort denier il y a quelques semaines, fuit et mon sac à dos est trempé. Vu la température ambiante je parie que tout sera sec à l'étape. 
En plus et comme toujours la sortie de toutes les grandes agglomération, y compris Séville, est épouvantables : rond-oints, autoroutes, zones industrielles, cités dortoires...

Seul la traversée du Guadalquivir par le pont de Triana amène un certain intérét à la journée qui commence.


Puis sous un soleil de plomb et une température de 36° j'attaque une ligne droite de 10 km sans la moindre possibilité de s'abriter à l'ombre. Le doute s'installe !

JOUR 2 : Guillena vers Castilblanco de los Arroyos

Heureusement cette deuxième journée est idyllique : il fait 20/25°, je suis sur un sentier en pleine campagne. Courte étape de 18 km pour un dénivelé de 350 m,  là c'est tout à fait dans mes cordes. 
J'aperçois au loin quelques élevages d'énormes taureaux de combat dont la longueur des cornes me fait faire un voeu sur la solidité des clôtures !!!

JOUR 3 : Castilblanco de los Arroyos vers Almaden de la Plata

Etape de 30 km, ça devient du sérieux. Départ à 6h30 du matin. Grondement de tonnerre inimaginable, des éclairs partout, on se croirait au 14 juillet. Après 4 km je passe devant un abri-bus en me disant qu'il pourrait servir au cas où. 500 m plus loin, les vannes du ciel s'ouvrent de belle manière et je fais un retour stratégique vers mon abri-bus où je reste 2 heures en attendant que ça passe. Un petite accalmie et je reprends ma route pour me réfugier cette fois dans un drain qui traverse la route. 


La pluie durera toute la journée. A l'arrivée, je suis dans un triste état mais pas peu fier d'avoir été jusqu'au bout.
Malgré tout, j'aurai eu la chance de traverser le magnifique Parc National du Sierra Norte avec ses plantations de chênes liège.



JOUR 4 : Almaden de la Plata vers El Real de la Jara

En quittant le petit village d'Almaden, je tombe sur une arène minuscule qui doit fonctionner pour les fêtes du village et donner aux jeunes hommes la possibilité de montrer leur courage dans l'espoir de devenir le nouveau El Cordobès.


Encore une journée très agréable, les orages ont disparus, il fait bon et j'adore me balader sur ces sentiers en pleine campagne totalement inconnue à ce jour. Alors que je fais une pause, deux pélerines me passent devant d'un bon pied, j'ai droit au "buon camino" habituel et nous nous donnons rendez vous à Compostelle. Mais à l'allure où elles vont, je vais être en retard d'au moins 3 semaines. 

Quelques photos de ma journée.


Nous sommes en Espagne bien connu pour ses jamones et je croise de nombreux élevages de porc. On se demande d'ailleurs de quoi ils se nourissent vu l'aridité des sols.





Ces petits villages andalous et en particulier celui de mon étape du jour, El Real de la Jara sont assez jolis, avec des rues bien propres bordées de maisons toutes blanches qui se rejoignent vers la place de l'église. A l'occasion un ancien château fort domine le village.



JOUR 5 : El Real de la Jara vers Minestrio

Départ de très bon matin, il fait encore nuit et la petite église d'hier au soir est toute éclairé. Je l'aime trop.


Puis au bout de quelques kilomètres toujours à la nuit, un château fort sort de la pénombre : c'est un peu fantomatique mais très beau.


Le reste de la journée est sans histoire avec une partie assez plate et très déroulante. Une belle propriété du haut de sa colline surplombe mon chemin. Quelle est l'histoire de cette demeure ?

Comme partout en Espagne la tauromachie est reine et en particulier en Andalousie. Chaque fête importante de village donne lieu à ces spectacles à Minestrio est annoncée la venue de Leonardo Hernandez, un prodige que j'avais vu une année à la feria de Dax. 

                                        https://dai.ly/x2pzzzp

Un incroyable trio entre le torero, son cheval et le taureau : un spectacle extraordinaire.


Une grosse déconvenue malgré tout depuis le début de ce pélerinage à savoir que toutes les églises sont toujours fermées : faire un pélerinage sans pouvoir se recueillir dans les églises qui bordent le chemin c'est une vraie frustration. Et ceci est vrai en particulier pour la petite église de Minestrio toute simple, toute mignonne mais très inaccessible. Sur le porche de l'une d'elle est inscrit, taillé dans la pierre :

Hac est domus dei et porta caeli 

Je n'ai pas besoin de traduire, mais avant d'arriver à la porte du ciel, j'aimerai bien passer celle de cette église.


A part la tauromachie, l'activité essentielle de Minesterio est l'élevage d'énormes porcs, d'en faire sécher les jambonneaux et de les manger. Il y en a dans tous les magasins, dans tous les étalages. Il y a même un musée.




Joyeuses retrouvailles avec des pélerins rencontrés dans la journée.


JOUR 6 : Minestrio vers Fuente de Cantos

Départ au petit matin, qui m'offre un splendide levée de soleil sur la campagne andalouse.


Soudain au bout de 1 km toujours dans la nuit noire, je vois la lumière de quelqu'un qui marche vers moi soit à contre sens du pélerinage. Comme la lumière est éblouissante, je ne vois pas la personne en question. En réalité, il s'agit d'une jeune coréenne, qui s'était embarquée dans la nuit sur le chemin et comme elle a eu terriblement peur, elle a fait demi tour pour rentrer au village en attendant que le jour se lève. Rassurée par ma présence nous ferons quelques kilomètres ensemble. Quelle rencontre incroyable !

La Corée en marche

Enfin une croix sur le chemin, tellement bienvenue.


Paysage de la journée

JOUR 7 et 8 : Fuente de Cantos vers Zafra et Villafranca

Petit problème technique, ma boîte mail est bloquée et je ne peux plus transférer de photos depuis mon téléphone portable vers mon ordinateur. Je vais avoir besoin d'une aide extérieure pour régler cette affaire.

En attendant, il est intéressant de savoir pourquoi ce chemin que je suis s'appelle la Via de la Plata. La traduction littérale en français serait la Route de l'Argent (le métal pas la monnaie). Malgré tout, on ne voit pas très bien ce que l'argent viendrait faire sur ce chemin de pélerinage depuis le Moyen-Âge. Il doit y avoir une autre explication.
Peut-être le chemin traverse-t-il une province ou une région espagnole qui s'appelerait la Plata : or, il semblerait que ce ne soit absolument pas le cas.
Il y a une autre possibilité qui me paraît plus plausible à savoir que quand les arabes ont envahi l'Espagne par le sud en 711, ils ont découvert des voies de communication pavées créées par les Romains alors que de là où ils venaient les routes pavées n'existaient pas. Comme le christianisme était déja trés implanté en Espagne à ce moment-là, ce chemin de pélerinage drainait déjà toute l'Andalousie vers Compostelle et les envahisseurs lui ont donc donné un nom comprenant le mot "pavé" en arabe de l'époque " b'lata". Au fil des ans, ce mot s'est transformé en ce qu'il est devenu aujourd'hui "Plata".
Je peux préciser que depuis longtemps ce chemin n'est plus pavé comme il en reste tant en Italie.

Via Augusta aujourd'hui à Rome

Le problème de transfert de photo est maintenant réglé.

Avant Zafra, le terrain est assez plat, une terre de culture de céréales, sans beaucoup de végétation. Le ciel est nuageux, il ne fait pas trop chaud, la piste est large et déroulante : je suis aux anges, j'aime trop ce voyage.


La ville de Zafra est assez importante et opulente avec une jolie Plaza Grande entourée de beaux et riches immeubles dont mon hébergement. Le soir, les cafés sont remplis et une bonne ambiance règne sur la ville y compris parmi les pélerins.


Au petit matin en traversant le village de Los Santos de Maimona, je tombe sur cette magnifique et imposante église, malheureusement fermée comme d'habitude.


Tous les cafés sont évidement fermés également; sauf que sur une petite place, Isabel, dans sa petite cahute, sert un café au lait et des beignets de première classe. Jamais je n'ai pris un aussi bon petit déjeuner.

Jour 9 : de Villafranca dos Barros à Almendralejo

Après Villanfranca, une immense plaine viticole en pleine vendange. Une noria de tracteurs transporte les raisins, les pieds de vigne très bas sur le sol succombent sous les grappes et les pauvres vendangeurs courbés en deux avec leurs sécateurs doivent finir leur journée avec de bonnes douleurs dans le dos. 



L'ombre du pélerin plane au dessus des vignes !



Hier, au petit matin, en sortant d'un village, je rencontre deux hommes, peut-être un peu plus âgés que moi, c'est à dire encore très très jeunes malgré tout. L'un était belge flamand et l'autre danois. Le flamand très gentil mais cherchant la conversation.

Le problème c'est que après avoir fumé deux paquets de cigarettes par jour pendant quarante ans, mes poumons ont sûrement beaucoup souffert et compte tenu de l'âge évidement je m'essoufle vite. Alors il m'est totalement impossible de discutailler en marchant car rapidement je suffoque. J'ai donc été obligé d'accélérer un peu le pas pour laisser mon pauvre ami flamand en plan, car toute conversation m'était impossible.
Il ne faut pas chercher plus loin, dans le fait que je souhaite voyager seul.
Pour gérer cette situation, quand je marche j'essaie d'éviter une inspiration/expiration à chaque pas pour éviter une respiration saccadée qui devient rapidement épuisante. Je m'efforce au contraire de n'inspirer/expirer qu'une fois tous les trois ou quatre pas. Avec cette méthode, mon souffle s'améliore et c'est très efficace pour grimper les collines espagnoles. En prime, une bonne respiration, bien profonde, bien régulière évite les points de côté.

Jour 10 : de Almendralejo à Torremejia

Dès qu'il y a un peu de relief la vigne fait place aux oliviers les branches alourdies par les petites boules vertes. Leurs troncs taillés et retaillés depuis des lustres ressemblent à des statues de Jiacometti bien tourmentées. Le ramage de ces oliviers est très dense et procure un peu d'ombre pour le repos du pèlerin fatigué.





Une des rencontres intéressante a été celle avec un couple de Toulouse, dit "les amoureux". Après avoir marché quelques kilomètres ensemble, nos chemins ont bifurqués et nous nous sommes dit au revoir avec un peu de tristesse, ils étaient vraiment trop sympa. Lui me faisait penser à un viel ami du coté de Grenoble.


On me signale que depuis trois ou quatre jours j'ai quitté l'Andalousie et que je suis maintenant dans la province de l'Estremadure. Je ne pouvais quand même pas vous laisser dans l'ignorance.

Souvent quand le pas se fait plus lourd et que la fatigue me gagne, pour me redonner un peu d'élan je me laisse aller à entonner une bonne vieille chanson de marche militaire, souvenir de mes activités dans l'infanterie de marine à Djibouti. Toute le monde appréciera les qualités poëtiques et littéraires de ce texte :

Oh ! la fille viens nous servir à boire
Car demain nous ferons le grand saut
Adieu la fille, adieu
Adieu la fille, adieu
Ton sourire, ton sourire,
Ton sourire reste dans nos yeux
Oui dans nos yeux . . .

Jour 11 : Torremedjia à Merida

Après quelques journées de courtes étapes, arrivée à Marida, capitale de la province d'Estremadure. 11 jours de marche, 200 km parcourus depuis Séville, plein de rencontres, des nouveaux amis pour la vie, la découverte d'un magnifique pays, un voyage extraordinaire, bref le bonheur absolu ! Pendant ces mois de préparation, j'ai eu quelques doutes complètement balayés une fois le premier kilomètre franchi.

La suite du programme c'est 2 semaines de marches sans interruption pour rejoindre Salamanque pour y effectuer un break de 5 jours en douce compagnie.

Pour en revenir à mon étape du jour, dans le nom Merida on retrouve la même racine que pour le mot 'mérite'. La ville a été créée en 25 av JC par les Romains pour accueillir les vétérans de l'armée, méritants, de deux légions ayant combattu dans le pays. Sous cette influence la ville a pris un essor considérable. De nombreux vestiges de cette époque existent encore aujourd'hui, complétement intégrés dans le milieu urbain.









Après l'époque romaine, c'est le catholicisme avec quelques belles et solides églises (rarement ouvertes).





Dernière soirée dans les cafés de la grande place, en compagnie de mon groupe de pélerins avec lequel je chemine depuis plus d'une semaine. De la bonne humeur et de la rigolade à volonté ! Comme j'ai dédoublé une étape trop longue et que je prends une journée de repos aujourd'hui, tout le monde a pris deux jours d'avance sur moi et chacun part de son côté à sa propre vitesse. 

Il y a là une assemblée plutôt hétéroclite mais très soudée dans le but que nous sommes fixés : arriver au bout de notre voyage. Un ménage d'australien, deux soeurs allemandes et le petit ami de l'une d'elle, une jeune coréenne, le ménage français les amoureux, un belge... 

Les aurevoirs sont un peu tristes. On fait des promesses de garder le contact. 

Jour 12  : Merida (repos)

LE PIED
                                                    
De la même manière qu'avant de partir en voyage on s'assure que les pneus de la voiture sont en bonne état, on est encore plus vigilant quand il s'agit des pieds pour une randonnée.

Je passe sur la nécessité de s'entraîner physiquement pendant des mois afin que les chaussures de marche soient bien "à son pied".

Une astuce est de couper un citron vert en deux et de le passer sur la plante des pieds, en particulier sur les endroits susceptibles d'avoir des ampoules et ceci afin de durcir la corne du pied. Il faut répéter l'opération tous les jours pendant 3 semaines avant le départ. Efficacité garantie !
Ensuite, pendant la randonnée, tous les matins, le soin des pieds est indispensable. Cela prend 1/2 heure mais c'est la garantie pour une journée sans histoire. 

D'abord je pose des bandelettes autocollantes sur les parties du pied qui sont le plus "en contact". Ensuite, petite crème lubrifiante entre les doigts de pieds pour éviter les frottements et enfin, on talque le tout généreusement pour garder le pied au sec toute la journée. Finalement obligation de changer de chaussettes tous les deux jours.

Jour 13 à 16 : de Merida à Aljucen, puis Alcuescar, puis Adea del Cano, puis Caceres

Avant de quitter Merida, petit arrêt dans la chapelle des soeurs ursulines qui, elle, est ouverte.  


Puis une vue grandiose sur les ruines d'un aqueduc à la sortie de Merida.


Lac de Proserpina dont on se demande comment il est alimenté vu la sécheresse ambiante

Depuis quatre jours je joue à cache-cache avec les orages et, pour le moment, je suis arrivé à passer entre les gouttes. Souvent ce sont des départs vers 5 ou 6 heures du matin en pleine nuit. Les lampes frontales LED font des merveilles ainsi que mon application de traces GPS avec laquelle il est impossible de se tromper même de nuit. 

De jolis petits villages tout blancs traversés, avec de solides églises en granit qui ont souvent l'air de forteresse. Les étapes se déroulent;  bien souvent assez courtes entre 15 et 25 km, le terrain est assez plat, les chemins très déroulants : la progression est assez facile. Les difficultés viendront plus tard à commencer par demain un journée à 34 km. 

Quelques photos de ces 4 jours.

Eglise d'Aljucen au petit matin

Curieuse croix en forme d'épée

Eglise d'El Carrascalejo

Pont de Las Casas de Don Antonio

Levée du soleil sur l'Estramadure

Rencontre insolite avec des Romaines

Mon sac à dos est plus lourd sur mes épaules que cette plume ne l'est pour cette fourmi !

Eglise de Aldea del Cano

Décoration des arbres autour de l'église pour la fête du village

La météo annonçant de la pluie en fin de matinée et des orages l'après-midi sur Caceres, je quitte Aldea à 5h30 à marche forcée pour finir les 23 km de la journée avant le déluge. Il commence à pleuvoir 10 minutes après mon arrivée. Dans ces conditions, je n'ai aucune envie de faire du tourisme et reste à l'hôtel faire du lard et à me préparer pour cette énorme étape de demain.

Finalement les vannes du ciel se sont fermées et je fais le touriste pour visiter la vieille ville, extraordinaire : pleine de palais, de ruelles minuscules, de petites places. On est revenu à l'époque arabe ! Sauf pour les églises évidemment dont la somptueuse Concatedral Santa Maria. Un pur bijou gothique avec des voutes très hautes, magnifiques et un retable en bois, sculpté qui nous change des dorures habituelles dans les églises espagnoles.





 

Jour 17 et 18 : de Caceres vers le lac Alcantara et Grimaldo

Départ à 5h30 du matin, dans la nuit noire encore jusqu'à 7h30 ma minuscule lampe frontale illumine le chemin comme en plein jour. 33km jusqu'au lac Alcantara. Tout ce passe bien à part une petite ampoule sans grande importance. Au loin au pied de la montagne le village de Canaveral. Evidemment, je suis un peu amorti à l'arrivée mais surtout très fier de moi. A Grimaldo d'après mes calculs, je ne suis plus qu'à 120 km de Salamanque. Je suis tout d'anticipation !

L'exercice qui consiste de jouer au chat et à la souris avec la pluie depuis 4 ou 5 jours est un peu stressant. La pluie et les chiens sont les pires ennemis du pélerin.

Canaveral

Malgré les préjugés stupides que je pouvais avoir, je découvre les espagnols comme des gens absolument gentils voire très souvent adorables. Bon, il y a bien quelques occasions où le plus engageant de mes sourires ne réussit pas à percer la "sombritude" ibérique. Mais rien de grave ni d'agressif, juste de l'indifférence.

Maintenant, il y a quelques aspects de la vie espagnole avec lesquels j'ai un peu de mal à m'adapter. Ce sont les horaires. D'abord les horaires des magasins d'alimentation dans les villages. Cela fait maintenant presque trois semaines que je chemine et je n'ai toujours pas compris le système. Mais le pire ce sont les horaires des repas. 

Les petits déjeuners à partir de 9/10h c'est un peu tard quand on commence à marcher à 6h. Les déjeuners entre 14 et 15h c'est un peu dur quand on a marché 6 h dans la matinée. Pour le dîner il faut compter pouvoir se nourrir à partir de 21/22 h. Heure à laquelle je ne suis plus opérationnel loin s'en faut. Le résultat c'est que cela peut m'arriver de petit déjeuner de 2 biscuits, de déjeuner d'un paquet de cacahuète et de dîner d'un paquet de chips. Le compte en calories n'y est pas ! Question tapas, je ne suis pas preneur du tout. Moi il me faut un repas, un vrai !

Les hébergements sont corrects, toujours extrêmement propres, souvent bien placés près des centres historiques dans les grandes villes. Le standart se partage entre le bas et le moyen de gamme qui me conviennent parfaitement toutes les deux. Rien n'a dire de ce côté là.

Jour 19, 20 et 21 : de Grimaldo vers Rioboso, Carcaboso et Oliva de Placensia

Il fait un soleil radieux ce matin en quittant Grimaldo. Il m'accompagnera  pendant deux jours. Il fait une vingtaine de degré, je suis dans les montagnes, tout seul et le paysage est absolument somptueux et le chemin m'aspire. Je suis bien conscient de la chance d'être là et de faire ce que je fais. Un doux bien-être me gagne. Je profite, je savoure. Et je remercie !




10 km après Rioboso, je tombe sur un Carcassonne en miniature : c'est le village de Galisteo. Des remparts considérables et à l'extérieur, les maisons y sont collées. Je ne trouve aucune information sur cette ville qui pourtant doit avoir une grande histoire. De la porte de Santa Maria, une vue sur la plaine tout en bas dans la vallée baignée du brouillard matinal.
Par contre de l'autre côté des remparts, de la porte du Roi, on tombe pile sur une usine dont les cheminées crachent ses cochonneries.  Beurk !





Mon étape suivante, le village de Carcaboso, est animée par la fête du village qui bat son plein. Musique, chants, danse, tout le monde s'amuse follement et moi j'essaie de dormir. 


Pendant que certains, à Paris, se régale dans le futur restaurant à la mode de la capitale, je regarde mon dîner constitué de quatre sardines. Ce n'est pas bombance ce soir en Espagne !


Le début de la journée vers Oliva de Plasencia, se passe bien. Toujours sur un plateau un peu difficile d'accès, je suis ce joli chemin qui se faufile entre les chênes verts. 


La météo que je consulte avec attention tous les jours, annonçait un temps couvert le matin et de rares averses l'après-midi. Résultat, il commence à pleuvoir sans s'arrêter depuis 9h. A 11h, sur une petite route de campagne, à 6 km de l'arrivée, une femme me voyant en peine et trempé, me prend en voiture et m'amène à bon port. Il y a quelqu'un là-haut qui veille sur moi ! Je sais qui. Hier j'ai passé le cap des 400 km depuis Séville. Demain soir Salamanque ne sera plus qu'à 75 km.

Je ne résiste pas à vous envoyer la photo d'un dessin mural sur le mur de la salle à manger de la maison particulière où je suis hébergé. 


Jour 22 : Oliva de Plasencia vers Aldeanueva del Camino

Me voilà parti de bon matin, grelotant de froid avec mon mince tee-shirt dans les 9° nocturnes. Au bout de 3 km, je tombe sur un portail imposant orné de trophées en bronze de toros de combat. Le chemin est bordé sur 3 ou 4 km par des clôtures soudés : tout ça a l'air très sérieux. Après quelques recherches, je trouve qu'il s'agit bien d'un élevage très connu par les spécialistes sur cette propriété du nom de 
" Los Baldios " qui appartient à un certain Antonio Lopez Gibaja.


Les initiales jointes du propriétaire serve de marque pour identifier les animaux. C'est aussi un élément de prestige pour les élevages les plus importants.


Quelques kilomètres plus loin, au milieu de nulle part, je tombe sur le site d'une ancienne ville romaine considérable du nom de Caparra. Je comprends mieux la peinture murale dans l'hébergement d'hier.
Une arche sous lequel devait passer la via romana dont il reste à cet endroit quelques centaines de mètres intacts.



Plus loin quand le chemin devient un peu moins rocailleux de jolies petites fleurs poussent dans le sable et égaillent ma matinée.



Un incroyable nid de cigogne

Au bout de 30 km, bien crevé, je pose mon sac pour la nuit dans les ruelles de Aldeanueva del camino.

Jour 23 : Aldeanueva del Camino vers Calzada de Bejar

Une bonne grimpette de six heures ce matin. Je suis étonné de si bien tenir le coup. Cela doit sûrement venir du sérieux de l'entraînement hivernal.

Depuis le départ de Séville, je vois dans les villages des bouteilles d'eau en plastique de 6 litres posées au pied des portes des maisons. Je n'arrive pas à savoir de quoi il s'agit et la gamberge me fait penser que compte tenu de la canicule de l'été, les mairies fournissent de l'eau aux habitants. La réalité est beaucoup plus terre à terre que ça : on mettrait ces bouteilles pour empêcher les chiens de pisser sur les portes des maisons. Jamais je n'avais entendu d'un truc pareil. 


A la sortie du village de Banos Montemayor, alors que commence la montée vers le col, je tombe sur cette belle croix en granit. 
C'est avec cette croix si simple que tout a commencé il y a 2000 ans et que le monde en a été bouleversé à jamais. Quel vertige ! Quel destin !


L'arrivée du jour se trouve dans le hameau de Calzada de Bejar, perdu en pleine montagne. La montée a été exigeante et le soir je suis rincé de fatigue. Les 2/3 des maisons du hameau sont inhabitées et le tout respire un air de tristesse et de pauvreté infini.


Dans quelques pauvres pâtures, je retrouve une compatriote dont le cri silencieux me dit clairement qu'elle a le mal du pays.

Tu as de beaux yeux, tu sais !

Jour 24 et 25 : Calzada de Bejar à Fuenterroble puis à San Pedro de Rozados

Journée sans histoire jusqu'à Fuenterroble sur un beau chemin. Plus que 3 jours avant Salamanque, je progresse le cœur léger. C'est le bonheur.


Départ de Fuenterroble à 6 h du matin pour une longue journée de 30 km. Il ne fait pas plus que 6 ou 7 ° et je pars complètement congelé.
La courbe altimétrique me laisse entrevoir une verrue qui monte à plus de 1100 m au milieu du chemin de la journée. Un peu inquiétant quand même. Bon il y a bien une piste variante pour éviter la grimpette, qui ne mérite pas une seconde d'hésitation. J'irai en haut de cette montagne.

La verrue

Et j'ai bien fait, car de là haut, je reçois un cadeau inoubliable. Devant moi une vue extraordinaire sur toute la plaine qui mène à Salamanque à 40 km et derrière moi les montagnes que j'ai traversées depuis quelques jours.




Tout en haut sur le rocher le plus élevé, une belle croix s'élance vers le ciel. Cette croix a une signification très importante pour le pèlerin car elle est la marque exacte de la moitié du chemin entre Séville et Compostelle. Elle me donne l'occasion de revenir sur les grandes étapes que je viens de franchir depuis quelques jours. Je viens de quitter la province d'Estramadure pour rentrer en Castille y Leon. Puis les 500 km ont été franchis et donc la moitié de la route.


Très ému, je reste de longs moments à contempler la beauté de cet endroit, à en faire la louange à qui de droit qui me réserve toujours des cadeaux inestimables. De cette première partie de voyage, la Frades de la Sierra et ces instants resteront gravés à jamais dans ma mémoire et surtout dans mon cœur.


Jour 26 : San Pedro de Rozados à Salamanque

Les derniers 23 km pour atteindre Salamanque, interminables et sans beaucoup d'intérêt : une immense plaine céréalière, sans un arbre pour s'abriter du soleil. Bien pénible cette journée de marche. Au loin Salamanque qui ne se rapproche pas assez vite.

Salamanque à 16 km

Salamanque à 6 km

Salamanque à 1 km

Puis ce sont les tendres retrouvailles avec ma Dulcinée, qui arrive de Paris en passant par Madrid. Tout un périple !


Découverte de la ville de Salamanque et de ses trésors à commencer par la Grande Cathédrale, incomparable joyau gothique avec ses colonnes qui s'élancent et emportent nos prières vers le ciel.





Une chapelle y est dédiée à Saint Christophe (Porteur du Christ), vu ici traversant la rivière en portant un enfant, qui, selon la légende, s'avèrera être le Christ. Par ailleurs, pour une raison que j'ignore, il est le patron des voyageurs et à ce titre, un soutien important quand le doute s'installe, les épaules douloureuses sous le poids du sac et les jambes crispées par les crampes.


Le reste du centre historique est également magnifique avec une multitude d'églises, le fameux mur des pèlerins orné de coquilles Saint Jacques et la sublissime Plaza Mayor où il fait bon le soir prendre un verre dans un des cafés qui l'entoure. 





Jour de 27 à 31: Salamanque et Castillo del Buen Amore


Béatrice nous a fait très fort cette fois. Pour passer quelques jours de repos complet, nous nous retrouvons à 20 km de Salamanque dans une ancienne forteresse du XIème siècle aménagée en hôtel. 

L'extérieur de cette demeure de type militaire n'a que très peu d'ouvertures et l'ensemble est bien protégé par de profondes douves. C'était une place forte créée par les Rois Catholiques au début de la Reconquista pendant les guerres pour libérer l'Espagne des envahisseurs arabes.

Puis ce château a été acheté au  XVème siècle par l'évêque du coin pour y abriter ses amours avec une paroissienne à l'abri des regards et des ragots. D'où le nom de cet endroit, El Castillo del Buen Amor. Il y avait fait des aménagements dans la cour intérieur et les parties habitables pour ajouter confort et raffinement à cet endroit. L'ensemble est tout juste magnifique.




Il fait un temps de rêve nous passons quelques jours délicieux. La piscine, la chaise longue et de longues siestes sont les seules activités que nous nous accordons. Nous sommes extrêmement gâtés. Pour la première fois de ma vie, je m'offre une séance de massage dont j'attends des effets bénéfiques sur mon corps pour la suite de ma marche.



LE CAMINO

Le Camino de la Plata est un magnifique chemin, une exceptionnelle opportunité de découvrir l'Espagne profonde, sa campagne, ses villages endormis et la vie rurale (ce qui me convient à ravir naturellement). 

Le bénéfice supplémentaire de cette aventure en solitaire est la possibilité qu'elle offre pour l'introspection et à la quête de spiritualité.

J'ai une chance inouïe d'avoir encore la force physique et surtout la volonté d'accomplir une si belle errance.

Environ 95% de la Via de la Plata est composé de chemins et de sentiers. Des chemins biens réguliers, bien larges, très "déroulants". Un énorme plaisir pour le randonneur ! 


Les 5% qui restent, surtout à l'entrée et à la sortie des villes, c'est de la route goudronnée, et là, c'est le cauchemar à cause, soit des voitures qui vous passent à 20 cm, soit de la forte chaleur sur le goudron source d'ampoules et de tendinites. Il faut être vigilant et si possible marcher sur les bas côtés. Pour les départs à la nuit, de bon matin, les lampes frontales sont indispensables.

Le camino est très bien balisé tout au long du parcours. Quand il y a un doute à une intersection, il suffit de suivre les traces de pas des pèlerins précédents ou bien sûr de consulter l'indispensable trace GPS avec l'application Openrunner.

Les paysages traversés sont très variés. Des forêts de chênes liège et de pins parasol en Andalousie, des grandes plaines céréalières et viticoles au sud de l'Estramadure, les plateaux quasi désertiques après Caceres puis la petite montagne avant d'arriver en Castille !


Cette diversité est très agréable et casse la monotonie du voyage. La météo a été vraiment clémente avec seulement deux jours de pluie en trois semaines de voyage. En général donc, beau temps de rigueur, grand soleil en permanence, température assez élevée adoucie par une légère brise rafraichissante. Tout ceci est délicieux. Toutefois les températures matinales dans les zones de montagne peuvent descendre à 6 ou 7°. 


La sécheresse est abominable sur la plus grande partie du chemin sauf sur la zone entre Riobosos et le col de Calzada de Béjar où la nature est bien plus verte, l'eau coule dans les ruisseaux et les étangs sont remplis. Je remarque également que dans ce secteur les chênes liège et les chênes verts sont remplacés par les chênes ordinaires (quercus robur) qui peuplent nos forêts normandes, signe de bonnes précipitations.

Feuille et gland de chêne liège

Chêne vert

Chêne Quercus

Je redoute un peu l'ouverture de la chasse car ce que je connais des méthodes de chasse espagnoles ne me rassurent pas du tout. A ce sujet, je constate et déplore l'absence totale de faune sauvage sur les premiers 500 km de ce parcours : la faute en est sûrement au fait que toute la campagne est clôturée de grillage à mouton qui ne laisse rien passer. Mais aussi aux méthodes de chasse espagnole qui tiennent plus de l'éradication complète que de l'éthique cynégétique de base. 

En tous les cas, les droits de chasse semblent n'être réservés qu'aux propriétaires des terrains car pratiquement toutes les parcelles sont équipés de panneaux. J'ai pu en voir des centaines et des centaines. 


Les seules oiseaux qui m'ont accompagnés en nombre dans les plaines et les cultures sont les alouettes. Quand je pense qu'en France, les gourmets se régalaient autrefois du pâté d'alouettes, ce qui a résulté, en s'en doute, à leur quasi disparition. 

De belles rencontres pendant les premiers dix jours puis à partir de Merida, plus personne jusqu'aux premiers reliefs où le passage des cols et la proximité de Salamanque resserrent les écarts. Toutes les nationalités sont là dans un ONU de marcheurs : américains, anglais, australiens, allemands, français, coréens...


Les deux grandes différences entre les autres pèlerins et moi tiennent d'abord à mon exigence de dormir dans une chambre particulière alors que le dortoir est la règle pour tous. Ensuite je n'entreprends ce genre de voyage que lorsque toutes les réservations de mes hébergements sont faites à l'avance alors que les autres pèlerins ne gèrent leurs réservations qu'au jour le jour. 

La rareté des hébergements qui proposent des chambres individuelles fait que les séquences des étapes peuvent être différentes pour les uns et les autres. 

En général ces exigences me ralentissent plutôt à savoir qu'elles m'ont fait perdre 3 jours sur mon équipe de départ en 3 semaines de marche. Ceci est de toute façon, sans aucune importance. Ainsi va la vie !  

Les hébergements sont toujours impeccablement propres et l'accueil y est toujours très gentil voir chaleureux. A noter la chaîne des Casa Rural, genre d'auberges municipales dans les villages. Comme il y a un cahier des charges pour bénéficier du label "CR", leur prestation est parfaite. 

Seul petit bémol dans l'hôtellerie le long de mon chemin, c'est que quelque soit le standard de l'hôtel, le personnel est incapable d'allonger la moindre phrase en anglais et encore moins en français. Comme l'anglais reste malgré tout la langue internationale pour le tourisme, les écoles hôtelières ont du travail de ce côté-là.
Pour ma part je profite de la proximité manifeste entre l'italien et l'espagnol pour communiquer sur l'essentiel.

Jour 32 et 33 : Salamanque à Calzada de Valdunciel puis Cuba del Vino

La journée semblait pourtant bien partie avec une montgolfière qui, à la sortie de Salamanque, décolle sur ma droite et me survole pendant quelques kilomètres.


Puis après, pendant deux jours c'est la traversée d'une immense plaine, sur un chemin collé à 10 m de l'autoroute et sous une chaleur épouvantable. La météo a annoncé le retour de la canicule. Bref deux jours un peu pénibles mais faisable malgré tout.

Jour 34 : Cuba del Vino à Villanueva del Campean

Une journée idyllique ! le chemin est presque plat, bien large et s'éloigne décidemment de l'autoroute. L'étape est courte et la température a bien baissé. Une zone très agricole et très équipée d'innombrables rampes d'arrosage géantes. D'où vient l'eau ?
  

Des petites forêts de pins parasol sur un relief qui domine une immense plaine et mon étape du jour. Tout ça est très beau et me plaît infiniment !


Presque à l'arrivée au village, j'entends derrière moi des pas rapides et saccadés. Je me retourne pour voir 24 individus échelonnés sur un ou deux kilomètres et tous avec le même tee-shirt rougeâtre. Intrigué, je ralentis mon allure pour les laisser passer. 
Il s'agit d'un groupe de Philippins de l'île de Cebu, que des hommes, d'un âge qui me paraît plus que certain ou peut-être leurs visages sont-ils marqués par la fatigue. J'ai peur d'avoir une hallucination ! A mon avis, à la vitesse où les premiers vont, ça ne va pas durer très longtemps cette plaisanterie. Les ampoules et les crampes ne vont pas tarder à se radiner !

Jours 35, 36 et 37 : Villanueva del Campean à Zamora puis Montamarta puis Granja de Moreruela

Arrivé au centre de Zamora, je rentre dans l'église de San Juan de Puertanueva au moment où commence une messe pour commémorer Saint François d'Assise. J'ai une chance folle de trouver cette messe et profite d'un moment de plénitude incroyable. Je suis trop content.
Assistent également à cette cérémonie un aéropage d'officiers, semble-t-il de haut rang. Me revient en mémoire ce voyage extraordinaire sur la Via di Francesco, dans les montagnes, tout seul. C'était tellement beau. Ceci m'avait donné l'occasion de m'intéresser à la vie incroyable de Saint François. 

On remarque que ces églises rurales espagnoles sont toutes construites avec du granit gris ou jaune et ressemble souvent à des immeubles fortifiés sans aucune ouverture sur l'extérieur. Mais les intérieurs sont de style roman, simple et pur.

Eglise San Juan de la Piuertanueva

Chapelle de Montamarta au petit matin

Municipalité cherche en urgence un architecte en CDI

Pendant mes pérégrinations dans la campagne espagnole, il y a quelque chose qui est toujours présent, c'est le soleil. Les agriculteurs ont bien compris le bénéfice qu'ils pouvaient en tirer et se sont bien rendu compte que, dans leur compte d'exploitation, l'énergie solaire pouvait tenir une place au moins aussi importante sinon plus que la culture du blé ou l'élevage des chèvres. Alors ils s'équipent, partout, et souvent d'une manière gigantesque. 


En chemin je tombe sur un petit arbuste qui m'intrique. Ses feuilles ressemblent à des feuilles de houx mais ses fruits à ce que l'on retrouvre parfois chez nous sur les feuilles de chênes. En réalité il s'agit d'une variété de chêne dit chêne portugais. 
 
Qercus lusitanica

Dans une immense plaine, j'aperçois un monument sur lequel figurent des inscriptions en espagnol évidement pour moi totalement hermétiques. Il doit probablement s'agir d'un ex-voto à l'usage des pèlerins chrétiens ce qui se comprend quand on va à Compostelle mais aussi, à en lire les pictogrammes, également des juifs et des musulmans. Là, cela devient quand même discutable !

Presque de la même manière la partie du chemin qui passe sur des portions de routes goudronnées est partout équipée de balisages, probablement financés par l'Europe, qui indiquent " Chemin de Santiago - Itinéraire Culturel Européen ". Ce n'est pas un chemin culturel, c'est un chemin de pèlerinage depuis des siècles donc c'est " Itinéraire Cultuel Européen " qu'il faudrait lire. Ce truc m'irrite à chaque fois que j'en vois un.

Itinéraire Cultuel Européen


Pour finir cette journée, je veux vous raconter l'histoire de Pelage.

Il est né à la fin du VIIème siècle dans une famille aristocratique dans les Asturies soit au nord-ouest de l'Espagne, en bordure de l'Atlantique. Les musulmans ont envahi le pays et Pelage avec ses quelques troupes mène perpétuellement des opérations de guérilla contre l'envahisseur à tel point que le Sultan de Grenade, décide d'envoyer une armée pour régler le problème.
Malheureusement pour elle, cette armée rencontre des difficultés pour manœuvrer dans les étroites vallées des Asturies avec la pression permanente des troupes de Pelage. Pour finir une bataille terrible a lieu à Covadonga en 722 où les musulmans sont défaits alors qu'il ne reste à Pelage que lui-même et onze survivants à l'issue des combats. Considéré comme l'initiateur de la Reconquista qui prendra fin en 1492 après 770 ans par la prise de Grenade par les " Rois Catholiques ", Pelage est l'un des héros de l'Espagne et le titre de " Prince des Asturies " est donné encore aujourd'hui à l'héritier de la couronne.

C'est en 1319 qu'a été construit ce château-fort, ou plus exactement vu sa taille, cette ville fortifiée, Castillo Castrotorafe, dont je croise les ruines au nord de Montamarta surplombant la rivière Elsa.

Jours 38 et 39 : Granja de Moreruela à Tabara et Santa Marta de Tera

Aujourd'hui un évènement d'importance dans le déroulement de ce voyage. Ce matin, je quitte la Via de la Plata au village de Granja de Moreruela pour prendre, plein ouest, la Via Sanares qui contourne le nord du Portugal et m'amènera à Compostelle par la ville de Orense et les montagnes de la Galice. La Via de la Plata, elle, continue vers le nord vers Astorga et Léon. Si les matins sont bien froids, les journées sont assez chaudes avec des températures de 30°. 

Rencontre avec un ménage de scandinaves dont l'objectif est de relier les 500 km de Salamanque à Compostelle en 2 semaines soit du 35 km par jour. Pour moi impensable !
Le relief prend forme en prévision des montagnes de Galice et je me tape quelques bonnes grimpettes, heureusement pour le moment pas trop longues.

Sur le secteur Tabara / Santa Marta des zones complètement brûlées depuis 2 ou 3 ans. Sinistre.


Jour 40 : Santa Marta de Tera à Rionegro del Puente

Longue étape sur des jolis chemins. Rien d'insolite ne se présente aujourd'hui que le plaisir de progresser lentement dans la campagne sanabrèse. 


Jour 41 et 42 : Rionegro à Puebla de Sanabria

Les départs, le matin, sont glacés et, à l'évidence, je n'ai pas les vêtements adéquats pour ce froid d'autant que la température monte à 30° vers midi donc il faudrait se changer en cours de route.

Deux sources d'inquiétude : d'abord, les prévisions météo qui vont se dégrader fortement dans les 3 ou 4 jours à venir avec de fortes pluies annoncées. La pluie et les chiens sont les deux ennemis du pèlerin ! 
Ensuite, quand je lève la tête du chemin, je vois au loin des lignes de montagne qui m'ont l'air très, très hautes. Cela me fait un peu peur. 
Malgré tout je savais bien que la Galice, dans laquelle je vais rentrer dans quelques jours, est aussi pluvieuse que notre Bretagne et très montagneuse.


Ce matin, dans les bois, après le village de Asturianos, j'entends au moins six cerfs en train de bramer dont un à 100 mètres de moi. Je vois également beaucoup de traces de pieds de cervidés sur le sable du chemin. Evidemment je suis tout excité : l'instinct du chasseur !
A un moment en marchant doucement, sur ma droite, entre les arbres je vois une prairie dont je me dis qu'elle ferait une belle place de brame. Et bingo ! Une biche et son faon en train de s'y nourrir. Incroyable !


Je tombe également nez à nez avec une belle marte qui traverse le chemin. Avec une compagnie de perdrix aperçue hier, ma randonnée est maintenant bien accompagnée.  Cela m'enchante.
Puis, c'est l'arrivée magnifique à Puebla de Sanabria, vieille ville fortifiée, avec beaucoup d'animation, des touristes, des restaurants, qui font du bien après des semaines et des semaines d'étapes dans des villages, vides d'habitants, à moitié en ruine, sans âme, complètement morts, pas drôles du tout. Nous sommes à 20 km de la frontière nord du Portugal. 




Et au pied des fortifications, je retrouve mon vieil ami Don Quichotte, qui se repose, assis sur une chaise, des durs combats de la journée. Une belle rencontre !


La région de Sanabria, est donc une région très sauvage, avec des massifs montagneux couvertes d'immenses forêts propices à la faune sauvage comme j'en ai parlé plus haut. Mais c'est aussi un endroit où, dit-on, vivent des loups, la Tierra de Lobos. J'espère bien en voir un et ne quitte pas mon appareil photo dans cet espoir.

Jour 43 et 44: Puebla de Sengria à Padolerno puis A Mezquita

Deux cols à passer en deux jours, ça devient très sérieux ! Heureusement, arrivé en haut on est récompensé par des vues extraordinaires. 




Après le village de Lubian, une belle montée vers le col de A Portela da Canda, qui marque la limite entre les provinces de Castille y Leon et de la Galice. Cela fera donc la quatrième province que je vais traverser après l'Andalousie, l'Estramadure, la Castille et donc maintenant la Galice. On sent que l'arrivée se profile même s'il reste quelques belles montagnes à franchir avant le Graal. 
Du point de vue du climat la Galice a la réputation d'être assez proche de notre Bretagne. En consultant les informations météo, malheureusement cela se confirme car de la pluie est annoncée pour tous les jours jusqu'à mon arrivée à Finisterra. En prévision du déluge, j'ai acheté une sorte de ciré, qui se déchirera au bout de deux jours, mais surtout un parapluie qui se révélera hyper efficace. 


En arrivant en Galice, je retrouve dans la campagne beaucoup de choses qui me sont familières, les oiseaux, geais, pic-vert, les arbres, les forêts de bons vieux chênes de chez nous. 
Il ne semble pas que cette région ait beaucoup souffert de la sécheresse car les ruisseaux coulent à flot et les arbres sont souvent couverts de lichen.




Souvent les villages indiquent la direction du chemin avec des efforts louables de créativité par des sculptures originales de la plus simple coquille Saint Jacques grossièrement taillée dans une pierre plate à des travaux un peu plus sophistiqués.








Les repères
Il est bon voire absolument nécessaire de se créer en permanence des repères pour pouvoir continuer la progression avec des moments de joie à savoir le passage des étapes. D'abord le passage des centaines de kilomètres sont toujours des moments de grande fierté. Ensuite viennent les quotients, le quart, la moitié, les 2/3 etc . . .
Ensuite la sortie d'une province et donc la rentrée dans une autre. On mesure dans l'euphorie le chemin parcouru en occultant un peu celui qui reste à faire.
Cette semaine en une seule journée, j'ai cumulé trois étapes : d'abord le passage des 800 km (ouf ! il n'en reste que 200 à faire !) puis la rentrée en Galice au col de Portela da Canda, puis le début de ma 7ème semaine.

Jour 45, 46 et 47:  de A Mezquita vers A Gudina puis Laza

La grande affaire c'est la journée 46 qui doit me conduire de A Gudina à Laza : un trajet de 35 km sur un bon chemin de montagne qui contourne d'abord le lac Encoro das Portas puis la Serra de San Mamede, montagne monstrueuse tout au long de ma journée sur ma droite. Dans un village de montagne au trois quart en ruine, d'une tristesse abominable, je rencontre un couple de danois qui font la route en sens inverse c'est à dire qu'ils sont partis de Compostelle et se rendent à Séville. Bon courage ! Cela m'a fait du bien d'échanger et de parler, pour rompre la solitude quelques instants.
Pour simplifier la pluie s'en mêle et je passe la plus grande partie de cette journée à l'abri sous mon parapluie qui m'aura magnifiquement protégé tout en me laissant l'épaule droite très douloureuse avec des crampes abominables. Heureusement que les derniers kilomètres sont en pente douce pour descendre de la montagne, jusqu'à l'arrivée à Laza. 35 km en 9h de marche, je n'en peux plus !




La journée du lendemain, c'est repos complet,  au réveil j'étais dans un tel état qu'il m'aurait été impossible de reprendre la route.
Le point positif c'est que je suis maintenant à 150 km de l'arrivée. Dans 8 jours, l'affaire est pliée.

Jour 48 et 49:  de Laza vers Villar de Bario puis Xunquiera de Ambia

Une forte dépression balaie les montagnes de Galicie et je suis à la peine pour rallier Vilar de Bario. Des vents de 80 km/h et des trombes d'eau toute la journée. Le chemin monte encore et encore et je me demande où il va s'arrêter : jusqu'au ciel ?  
Dans les villages je trouve des structures en bois qui reposent sur des supports en pierre. Elles n'ont plus l'air d'être utilisées car beaucoup tombent en ruine comme la moitié des maisons d'ailleurs.  
Je n'ai pas la moindre idée de l'utilisation qui peut être faite de ces choses là.



Le lendemain sur la route de Xunquiera de Ambia, je me fais bien correctement rincer et à l'arrivée tous les vêtements que je porte sur moi sont trempés. Mon hébergement n'est pas chauffé, et vu la taille du village je ne trouverai pas un endroit pour les faire sécher. Donc je mets tout ça dans un sac plastique en attendant des jours meilleurs.

Jour 50 de Xunquiera de Ambia à Ourense

Il y a eu des orages toute la nuit sur Xunquiera et au petit matin, il pleut encore. Je suis vraiment en galère avec la météo en cette fin de voyage et je décide de prendre un transport pour rejoindre la grande ville d' Ourense. Le bénéfice immédiat de cette décision c'est que, à l'arrivée, je trouverai un moyen de faire sécher mes vêtements. 
Je m'achète un nouveau parapluie car le mien a été complètement détruit pendant la tempête d'avant hier. 
Il est certain qu'après 900 km, la fatigue aidant et très perturbé par la pluie, ma seule préoccupation est de me protéger le plus possible contre les éléments et d'arriver à Compostelle au plus vite. Il n'y a plus que cela qui compte. 

Jour 51 d' Ourense à Cea

Je passe la borne des 100 km et cela remonte énormément le moral, un peu mis à mal ces derniers jours. Il me reste quatre jours de marche pour Santiago et je suis tout d'anticipation. 



Il y a 8 jours environ, j'avais doublé une jeune coréenne, avant d'arriver à Puebla. Elle était en grande difficulté avec une tendinite dans une jambe. Je l'ai revu aujourd'hui alors qu'elle se nourrissait sous un abribus. Elles sont vraiment gonflées ces filles de s'embarquer dans ces longues randonnées dans un pays totalement inconnu, toutes seules. 
Hébergement chez un particulier dans un hameau dont la moitié des maisons sont effondrées : tout ça est complètement sinistre. Pas de chauffage dans ma chambre et au matin je me résous à enfiler mes vêtements toujours humides de la pluie d'hier. 

Jour 52 de Cea à Estacion de Lalin

Une longue étape pour arriver près d'une gare au fond d'une vallée, le village étant à cinq kilomètres et donc c'est impossible de trouver un magasin d'alimentation. L'hébergeur me dit que demain étant dimanche, il n'y aura pas de petit déjeuner non plus. 
La pluie est toujours là, fidèle compagne depuis 10 jours !  Malgré l'interdiction que l'on me fait d'allumer le radiateur électrique de ma chambre, je le branche au maximum pour faire sécher mes affaires, le lendemain elles sont bien sèches et chaudes : c'est bien agréable. 
Je dois avouer que, la fatigue et la pluie aidant je suis gagné par une grande lassitude et n'ai qu'une envie c'est que tout ça se termine vite maintenant.
Avec une telle météo c'est impossible de faire des photos et une  flemmite aigue m'empêche de continuer ce blog (que je rédige maintenant  deux semaines après mon retour en France)
J'ai besoin d'un dernier sursaut d'énergie pour aller au bout de ces quelques derniers jours de marche. Un pas devant l'autre, inexorablement il faut finir dans la douleur mais il faut finir.

Jour 53 d' Estacion de Lalin à Bandeira

Visiblement une journée sans éclat car je n'en ai aucun souvenir ni du village de l'étape.

Jour 54 et 55 de Bandeira à Ponte Ula puis Santiago
Quelques bonnes grimpettes dans les bois au dessus de Ponte Ula et je passe la fabuleuse marque des 1000 km depuis Séville. Une grande fierté et émotion m'étreignent. 




Puis ce sont les derniers kilomètres pour arriver à Santiago. Comme d'habitude, quelque soit la longueur de l'étape du jours, les derniers kilomètres sont épouvantables alors au bout de 1000 km ils sont cauchemardesques.
Je suis presque seul sur la grande place devant la cathédrale normalement noire de monde. Par respect pour la tradition, j'y vais de ma photo mais je suis trop épuisé, il faut que je m'allonge.



En remontant les petites rues qui mènent vers le haut de la ville et vers mon hébergement, je suis bloqué par une manifestation d'un syndicat de fonctionnaires, banderoles, haut-parleurs, slogans, tout y est ! J'essaie de calmer une vague de mépris qui me monte le long de la colonne vertébrale. 1000 km à pied pour en arriver à ça, je suis écœuré. 
L'accueil à la Pension Linares fut à la hauteur de ma déception à l'arrivée à Compostelle. Une réceptionniste odieuse, qui ne devrait en aucun cas être mis en relation avec la clientèle, du genre à être incapable de vendre un verre d'eau dans le Sahara.
Heureusement que le vent tourne car en fin d'après midi je récupère Gaspard et Mathieu, 14 et 15 ans, à l'aéroport et c'est la promesse d'une nouvelle randonnée de 5 jours dans une superbe ambiance.



Après  une petite visite de la ville et une bonne pizza, nous rentrons nous coucher assez tôt car nous devons partir dès le lendemain matin à 7h pour rejoindre Finisterra, sur l'Atlantique, en 5 jours de marche.

Jour de 56 à 60  de Santiago à Finisterra

Pendant ces 5 jours nous serons sous la pluie, les tempêtes et les orages mais les garçons avancent bien et même très bien. Ils sont loin devant moi et font preuve d'un excellent esprit d'engagement. Je suis ravi et très fier d'eux et ils semblent contents de cette aventure avec leur grand-père. Nous vivons une aventure qui restera gravée dans nos cœurs pendant longtemps. Le soir nous arrivons trempés aux étapes et je me mets chaque jour en quête d'un sèche linge pour que nous puissions repartir le lendemain dans de bonnes conditions.

Nous sommes loin d'être seuls sur ce sentier car Compostelle est comme un entonnoir où tous les chemins aboutissent et beaucoup de pèlerins décident de continuer le voyage jusqu'à la mer. Cela me change bien de la solitude de ces derniers mois, qui commençait à me peser. 
Les aléas du chemin nous font croiser et recroiser une dame japonaise, qui progresse toute seule. Alors que je m'étonnais auprès d'elle du nombre assez important de pèlerins coréens que j'avais rencontrés depuis Séville, elle m'a expliqué qu'un metteur en scène coréen de renom avait fait, il y a quelques années, un film sur le Camino de Santiago qui avait connu un grand succès et qui a finalement servi de pompe aspirante pour de nombreux apprentis aventuriers coréens.
















La cote est atteinte à Cee, nous la suivons jusqu'à ce que, au loin, on aperçoive Finisterra, le but de ce voyage extraordinaire.


Pour immortaliser ce moment unique nous posons pour la photo sur le port . Un moment d'émotion en repensant à tous les efforts accomplis mais aussi à tous les moments de bonheur incroyable pour en arriver au bout de cette aventure. Joie immense d'avoir été au bout du bout de ce voyage avec mes petits fils.






Déjà quelques idées trottent dans ma tête pour prolonger mes voyages avec eux l'année prochaine. Après cette longue promenade en Espagne, l'année 2024 me verra une fois encore errer en Italie. On ne s'en étonnera évidemment pas !