2021 - 1200km vers ASSISE et ROME



Au moment du départ la tension est extrême à la Gare de Lyon. L’adrénaline coule à flot dans le système. Le moment est enfin arrivé de se lancer dans cette autre grande aventure. Faire le clown dans cette gare, cache mal une énorme anxiété : en vérité j'ai une trouille bleue. Est ce que cela ne va pas être trop difficile, est ce que je vais arriver au bout, est ce que je me suis assez préparé, la chaleur, le virus ? Les questions se bousculent mais on évite de chercher les réponses. Enfin les tendres adieux et c’est le départ.

Le grand moment tant attendu est venu de mettre les pieds dans le plat.






Dès mon installation dans ce train bien confortable, l’angoisse se dissipe peu à peu et j’envisage la suite des événements avec plus de sérénité.

Paysage grandiose de la traversée des Alpes !

Malgré les mises en garde des autorités, les consignes n’ont visiblement pas été transmises aux intéressés car aucun contrôle sanitaire en gare de Turin. D’après la presse je m’attendais à une gestion quasi militaire de l’épidémie en Italie. Il n’en est rien. Contre toute attente la correspondance avec le train pour Ivrea est bien là, à l’heure. Des trains à l'heure ? Tiens, tiens ! du changement en Italie ?

Le lendemain, le 15 août, jour de l’Ascension tous les magasins d’alimentation sont fermés quand je me mets en route et je pars le ventre vide sans aucune provision pour cette première journée qui va être catastrophique. Par deux fois je suis obligé de revenir sur mes pas, une première fois pour récupérer ma balise que j’avais oubliée sur un banc et une deuxième fois car un de mes sacs, mal attaché, était tombé de mon chariot. Résultat : au moins trois kilomètres à rajouter au compteur. Le moral en prend un coup mais il faut progresser. La chaleur est accablante, épuisante, je n’avance pas, les jambes coupées, en coton. Mon harnais de chariot est trop serré et m’empêche respirer. 8km en 6 heures. Impossible de faire un pas de plus. Je suis en perdition. A peine commencé, j'envisage une fin anticipée de ce voyage. Le carillon de l’église de l’autre côté du lac d’Ivrea me redonne un peu d'élan mais l’affaire est entendue et à la première occasion je fais du stop pour accéder à mon hôtel. Depuis que je voyage en moto ou à pied c’est la première fois que je vis une expérience aussi épouvantable. Un bon dîner et un sublime coucher de soleil sur le lac de Viverone arriveront à me remettre les pieds sur terre.


Lac de Viverone



Canal Cavour

Chapelle au milieu des rizières

Champ de riz. Les Alpes

Irrigation

Les jours suivants mon organisation s’améliore, je dompte à peu près mon chariot et la progression est plus satisfaisante. La confiance revient petit à petit et aussi le plaisir des retrouvailles avec ce beau pays.

Santhia, Vercelli, Robbio, Mortara, Garlasco, petites villes qui jalonnent mon parcours, autant d’étapes dans la traversée de la plaine du Pô. Les Alpes, au loin mais bien visible, nourrissent cette plaine de son eau salvatrice par le canal Cavour et des milliers de ruisseaux qui répartissent cette mane, d'une manière très organisée et très contrôlée, au bénéfice des agriculteurs. Irrigation de centaines de milliers d’hectares de riz et de maïs, tous les deux assoiffés d’eau, par inondation. On noie les champs et on referme les vannes jusqu’à la prochaine fois. L’eau circule par gravité mais de temps en temps des pompes montées sur tracteur aident l'eau à passer d’un ruisseau à un champ. Quelques chapelles au milieu des rizières pour que la Madre protège les récoltes. J’adore ces journées passées à faire des zig zag au milieu des rizières . Peut-être un vieux tropisme asiatique ?

Ruine et désolation


Les petits agriculteurs ont été remplacés par de grandes sociétés qui exploitent ces cultures et font de l’Italie le plus grand producteur de riz en Europe. Ils exportent également leur savoir-faire en particulier au Maroc dans la plaine de Rabat, bien connue des chasseurs de bécassines. Malheureusement ce remembrement a désertifié les campagnes et les fermes abandonnées et en ruine ne se comptent plus.

Repos ombragé

De temps à autre une peupleraie offre un ombrage rafraîchissant au bord d’un ruisseau. Il fait bon s’y allonger pour reposer ses pieds et entendre la musique de la brise dans le feuillage.

En arrivant sur le village de Nicorvo, je passe devant le cimetière pour m’apercevoir qu’à l’entrée des boîtes aux lettres ont été installées et je m’interroge pour savoir si les intéressés ont fait suivre leur courrier près de leur dernières demeures ou bien est-ce l’état qui ira jusqu’au bout de l’absurde et de l'acharnement administratif à vouloir saigner un contribuable récalcitrant tout défunt fut-il. Je soupçone également Amazon de s'accrocher à ses clients jusqu'au bout.

Dans ma poche, je caresse la médaille d’un cher compagnon disparu il y a peu et  je pleure son départ dont je suis inconsolable. L’absence de ses yeux couleur de miel et de son regard toujours plein d’amour m’est difficilement supportable. Je redoute le retour à Tourouvre pour passer l’hiver prochain sans lui. Nous étions fusionnels : quand je me blessais au pied c’est lui qui boitait et quand j’ai été souffrant il eut la même maladie quelques semaines plus tard. Tous les deux nous avions sillonné le Perche en long, en large et en travers, nous en connaissions tous les recoins et tous les jours la sacro-sainte promenade dans la forêt derrière la maison. J’y disperserai ses cendres pour que son fantôme continue ses courses derrière chevreuils et sangliers. Un chasseur exceptionnel qui arrêtait des bécassines à 50 mètres. Que de bons moments avec lui dans mon marais de la baie de Somme ! Pour moi il restera irremplaçable, c’était mon trésor. Il s’appelait Casimir.


Place Cavour Vercelli

Vercelli nous offre une belle statue de l’inévitable Cavour sur la grande place de la ville. Chaque village, chaque ville, a sa place Cavour, sa rue Garibaldi et sa rue Mazzini les trois acteurs de l’unification de l’Italie au 19ème siècle. Garibaldi, le militaire du trio, héros incontournable de l’Italie, icône encensée par tous sauf peut-être par les catholiques du fait de son anticléricalisme virulent et primaire, l'intolérance ayant changé de camp depuis bien longtemps. De mon point de vue, malgré son sens du paraitre et son gout pour les chemises rouges, sa réputation de chef de guerre est largement surfaite car sa campagne dans le sud de l’Italie contre le Royaume des Deux Siciles, l'expédition des Mille a été baclée : il est resté des points de rébellion qu’il n’a pas su  résorber et dont on dit que les mafias d’aujourd’hui sont issues.

La réunion du sud avec le reste de l'Italie, achevant ainsi l'union, a fait beaucoup de déçus même parmi  les personnes les plus libérales  dans le sud: augmentation des impots, conscription obligatoire etc ... 

L'union de l'Italie était faite mais aujourd'hui encore qu'en est-il de l'union des italiens ?

Gare de Vercelli

Pour les voyageurs qui passerait par la gare de Vercelli, il est fortement conseillé d’éviter d’y faire une crise cardiaque parce que quelqu’un a subtilisé le défibrillateur !

Allée d'hibiscus avant d'arriver à Santa Maria di Campo


Après une belle journée à marcher dans les rizières je m’approche avec émotion d’un endroit que j’avais adoré il y a deux ans. Au bout d’une longue allée d’hibiscus en fleur je la retrouve pareille et aussi belle que dans mes souvenirs. Quel moment extraordinaire !

Balise capricieuse

Je m'aperçois que de temps à autre il y a des espaces sur la carte de mon parcours sur mon ordinateur. C'est toujours une source d'irritation. On aura tout le loisir pour envisager des causes techniques à ce grave problème mais il faut sûrement rechercher du côté d'erreurs de manipulation de ma part. Raisonnablement on peut penser que c'est plus que probable. J'en connais certaines qui ne diront pas le contraire.
Chariot infernal

Mon chariot me donne encore quelques soucis et de mauvaises douleurs dans le dos. Pour les montées je le pousse devant moi comme une brouette, c'est beaucoup moins fatiguant. Ce qui est pénible c'est de le tirer sans l'aide des mains, uniquement par accrochage avec le harnais mais malgré tout comme cela laisse les mains libres, c'est plus facile pour lire la carte.

Mural sous un porche. Garlasco

Village de Villanova d'Ardenghi

Dans un cas une peinture murale par un amateur pour une réclame de bière et dans l'autre une publicité par le curé du village de Villanova d'Ardenghi sur le mur du presbytère pour inciter les jeunes à participer au patronage paroissial.

Saint Christophe

Une fresque récente montrant Saint Christophe dans ses oeuvres. Quand on lit l'histoire ou plutôt vraisemblablement la légende qui concerne ce personnage, on s'interroge sur comment il est venu à l'idée de quelqu'un de lui attribuer le patronage des voyageurs, des automobilistes et des soldats. Rien dans son parcours ne le relie à ces activités. Je ne sais pas d'où ça sort cette histoire.

Rivière Ticino



L'interminable arrivée à Pavie le long de la rivière Ticino est agréablement ornée de jolies fleurs sauvages. Mais que ces derniers kilomètres sont longs, je n'en peux plus !


Evidement les lieux de culte dédiés à Saint Léonard ont pour moi un intéret particulier et une occasion de m'y recueillir quelques instants.

Dans le petit village de Torre de Negri, une maison tout de suite tape dans l’œil du passant par l’originalité de ses couleurs et de l’arrangement du jardin. Il y a bien un drapeau anglais ce qui explique  sûrement la raison de l’incongruité de cet endroit. On dirait un temple hindou du Rajasthan. 

Eglise de Mariotto

Elle est bien modeste mais elle est bien belle cette petite église du village de Mariotto, à la sortie de San Colombano al Lambro où j'ai passé la nuit. Elle me touche particulièrement. Image de la simplicité mais aussi de la force inouie de la foi en Dieu des chrétiens du village.

Sa seigneurie Le Pô

Piazza Cavalli Piacenza

Pour arriver à la sublime ville de Piacenza, la traversée du Pô est obligatoire. Denilo, grognon comme il y a deux ans, est toujours disponible avec sa barque rudimentaire pour assurer le passage. 
Piacenza, ville magnifique, où il fait bon se promener le soir pour découvrir en entrant sous les porches de sublimes palais  ou de magnifiques cloîtres. Une petite trattoria me propose une assiette de pasta aux aubergines et aux piments : un délice. 

Via Roma

Pour quitter Piacenza et prendre la direction de Rome, il n'y a qu'à se repérer de loin en suivant le regard de la louve.

Champs de tomates

Moissoneuse de pomodori


Entre Piacenza et Fidenza, on rentre dans le pays de la tomate. La taille des champs est immense. Les pieds de tomates sont assez près du sol et la moisson se fait au moyen d'énormes machines qui versent la récolte dans d'impressionnantes remorques. Et tout cela finit dans les usines de sauce tomate.



Une variante me fait passer dans une région plus montagneuse mais sublime : l’Italie dans toute sa splendeur. Les maisons et les églises sont maintenant construites en pierre dont le magnifique baptistère de l’Eglise Saint Jean Baptiste du village de Vigolo Marchese. 



De bonnes grimpettes pour finalement arriver à la petite ville médiévale de Castell’Arquo. Petites ruelles, château fort et vue imprenable, c'est tout simplement magnifique. J’imagine qu’en temps normal au mois d’août les rues doivent être bondées de touristes mais aujourd’hui il n’y a pratiquement personne.
 

Dans une chapelle de la Collegiale di Santa Maria Assunta, des fresques anciennes qui semblent avoir été peintes la veille. 



Dans l’entrée de ma chambre d’hôte, je suis accueilli par un fauteuil impressionnant et dans la salle de bain un œuf gros comme un œuf de dinosaure est prévu pour les ablutions habituelles. Du jamais vu !

Premiers 300 km en 14 jours de marche, le voyage prend bonne tournure. La moyenne de 21 km/h est satisfaisante avec des journées qui oscillent entre 15 et 35 km. Les conditions et en particulier les conditions de chaleur ont été souvent difficiles et en plus de la fatigue inhérente à ce genre d’activité, il faut porter 3 litres d’eau supplémentaires, indispensables, à rajouter au poids du barda. La condition physique pourrait être parfaite si ce n’est toujours ces douleurs dans le dos et les épaules, souvenirs toujours présents de quelques chutes de moto, qui m’obligent à faire des pauses régulièrement. Mon chariot démultiplie ces douleurs et je cherche vainement une solution pour mon débarrasser en l’expédiant en France. Dans la plaine du Pô, sur les routes et les chemins, son utilisation est à peu près satisfaisante par contre dans les côtes, la progression est épuisante. Dans ces conditions j’envisage avec angoisse la traversée des Apennins avec cet appareil. Du côté des pieds, malgré les soins méticuleux tous les matins, quelques ampoules : probablement un problème avec les semelles pas adaptées.

Bref la carcasse grince, grogne et renâcle mais avance pas à pas.

Malgré toute l’énergie, l’enthousiasme, le challenge, je suis encore très marqué psychologiquement par les énormes difficultés rencontrées le premier jour et qui ont instillées un certain doute dans cette affaire.

Petit à petit une routine s’instaure dans le déroulement de mes journées avec un réveil vers 6h, soins des pieds, petit déjeuner et départ pour 5 à 8 heures de marche. Une halte au bout de 2 heures environ ou quand la douleur à l’épaule devient insupportable, pour grignoter quelques biscuits. Dès l’arrivée à l’hébergement une bonne sieste, puis la lessive du jour . 


Visite de la ville, un arrêt obligtoire dans la gelateria locale, un bon dîner et à 20h30 où 21 h extinction des feux. Et on recommence le lendemain. Je ne manque pas une occasion de m’arrêter dans les églises qui jalonnent mon chemin pour y faire des pauses rafraîchissantes et quelques dévotions. J’y découvre souvent des merveilles de foi et de talent comme ce pays en possède tant.

Marcher en Italie c’est aussi le bonheur de rencontrer partout des manifestations de la foi chrétienne : ce sont rarement des calvaires mais plus souvent des invocations pour l’intercession de la Madre. De minuscule et pauvre chapelle trop mignonne, cachée sous des branches, de l’herbe et de vieilles tuiles au bord du sentier perdue dans la forêt.


Cette croix impressionnante, bouleversante, posée là au bord du chemin, évocation de la chute du Christ pendant sa Passion. On ne peut pas être pareil après avoir passé cette croix. Je pense à l’actualité et je fais le lien entre cette croix à terre et l’Afghanistan pays à terre également.

Ce calvaire dans la montagne au dessus de Castell’Arquo, presqu’une petite église avec cette fresque magnifique en parfait état.

Et tous ces centaines et centaines de témoignages de foi quine peuvent que me porter le long de mon difficile chemin vers Rome !


Puis le jour de la montée vers le col de la Cisa arrive. Je connais bien la difficulté de cette ascension terrible pour l’avoir faite il y a 2 ans. Il fait grand beau, assez frais, les montagnes sont magnifiques (mais très hautes !) et là-haut m’attend un plat de tagliatelles aux cèpes.


Tout est réuni pour passer une journée glorieuse. Et puis à l’arrivée, je rentre dans l’église du village de Berceto, que j'affectione tout particulièrement, et je tombe sur un concert extraordinaire : Bach et Haydn sont là avec nous. J’ai une petite idée à qui je dois cette journée de rêve. Louange ! Louange ! Louange ! Quel cadeau ! Vive la vie !

Étonnamment le patron de la petite ville de Berceto, perdue dans la montagne, est un français et plus particulièrement un breton. En 718, Saint Moderane évêque de Rennes, a décidé d’aller à Rome. Tout d’abord il est passé par Reims pour acheter des reliques de Saint Rémy.

En arrivant près du col de la Cisa, il a voulu se reposer et a accroché les reliques à la branche d’un arbre. En repartant il les a oubliées et ne s’en est aperçu qu’en franchissant le col. Il revient donc sur ses pas mais la branche de l’arbre en question a poussé miraculeusement rendant les reliques inaccessibles sauf bien sûr si notre pauvre Moderane s’engage à laisser ces reliques dans le village le plus proche à savoir Berceto. Une bien belle histoire !

Pour ma part après le dur passage du col, c'est la descente vertigineuse dans la rocaille vers le hameau de Brevide au fond de la vallée et où je dîne en face de la montagne dont les sommets sont encore inondés de soleil. C'est magnifique.


A partir du col de Cisa on rentre en Toscane. Finies les forêts de chênes et de hêtres et place aux pins parasol et aux oliviers : on rentre dans un pays méditerranéen. La Toscane c'est l'assurance pour le visiteur de beautés à venir et pour le marcheur de dénivelés vertigineux et presque infranchissables pour arriver dans les villages.

Depuis Ivrea jusqu'à Fornovo, pendant 250 ou 300 km, je ne rencontre strictement aucun pélerin et les contacts me manquent. Finalement, c'est au pied de la montagne, que je fais connaissance d'un couple assez énigmatique : elle est autrichienne et lui irlandais. Pratiquement impossible de communiquer avec lui tant je ne comprends rien à son accent. Elle me raconte qu'il a été neuf fois à Compostelle par toutes les voies possibles et imaginables. Ce sont donc de solides marcheurs et au bout de quelques jours dans la montagne, ils partent devant. 

Je partage une pizza un soir avec un allemand qui est parti depuis le 15 juin de Trèves. Il me paraît à bout de nerf et je lui suggère de faire une halte de quelques jours pour se reposer. Il est au bord du pétage de cable.

Puis une dame danoise, très comme il faut, polyglotte, seule. Peu de contact, elle reste sur son quant à elle.

Rencontre incongrue mais chaleureuse avec deux moines bouddhistes qui vont se perdre dans quelque ashram dans la montagne.

Après une courte journée de marche, dans cette montagne, je tombe sur cette chapelle, dont les vitraux rouges sont dans l'axe du soleil. Cela donne un effet saisissant.

Puis c'est l'arrivée dans la jolie ville de Pontremoli, au carrefour de plusieurs vallées et au bord d'un torrent.

Pontremoli

C'est le jour du marché et j'y trouve tout ce dont j'avais besoin. Les étals offrent toutes les specialités italiennes et invitent à la gourmandise et à faire un bon repas.

Puis viennent deux journées très difficiles avec en premier, Pontremoli vers Aulla, 33km en 8h45 de marche. Il fait assez chaud et je passe la journée à monter et descendre du flan de la montagne sur des chemins pleins de cailloux instables. A l'arrivée, je suis au bord de l'épuisement et j'en ai franchement assez.
Le lendemain matin, je m'appuie les 550m de dénivelé pour arriver au sommet de cette montagne sous un soleil de plomb. Au sommet, vue magnifique sur la Méditerranée, récompense bien méritée de tant d'efforts. 
Ces deux jours m'ont mis ko mais je suis ravi d'avoir réussi ce challenge.
Pour la petite (ou la grande) histoire la ville d'Aulla était pendant la guerre un carrefour routier et ferroviaire important. Il n'en fallait pas plus pour que les americains réduisent la ville en cendre ainsi malheureusement que pas mal de ses habitants. Reconstruite après la guerre, elle n'a pas le charme habituel des villes italiennes.

D'un côté de la montagne, vue sur Aulla

De l'autre vue sur la mer

Depuis 2 jours, cafouillage en série dans mes réservations hôtelières. Hier j’ai sué sang et eau pour traverser cette montagne inaccessible avec mon sac à dos, bien rempli et bien lourd. Arrivé à l’hébergement prévu à Sarzana, on m’annonce qu’il n’y a aucune réservation à mon nom et pas de place non plus dans l’auberge. Finalement, on m’envoie un taxi pour me ramener à l’hôtel où j’ai dormi la nuit précédente donc au point de départ de ma journée. Si j’avais su j’y aurai laissé mon sac, ça m’aurait économisé pas mal d’énergie. En plus j’étais désolé de ne pas passer la soirée à Sarzana qui est une petite ville ravissante.

Je me rends à l’adresse indiquée sur ma feuille de route pour mon hébergement de la nuit et je me retrouve en plein milieu de la zone industrielle où sont rassemblés les exploitants du fameux marbre de Carrare. Mais d’hôtel que nenni. A l’évidence il y a erreur et je suis obligé de revenir sur mes pas pendant 2 km pour trouver le bon havre. Conclusions : premièrement tout le monde a droit à l’erreur mais quand on est à pied elles coûtent très chères et enfin, à partir de maintenant je vérifie toutes les adresses sur internet avant de me mettre en route le matin.

Ceci me permet malgré tout de faire une photo de la montagne devant moi, toute rongée qu’elle est par l’exploitation du marbre dans d'immenses carrières depuis l'Antiquité.

Montagne de marbre. Carrare

Le lendemain donc aujourd’hui, je marche à 5 km environ du bord de mer dans une zone pavillonnaire donc journée pas très interessante . Par contre dès que le chemin prend un peu d'altitude, je suis gaté par des vues sublimes avec la Méditerranée en arrière plan. Je ne m'explique toujours pas pourquoi ceux qui ont créé cet itinéraire , ne l'ont pas fait passer au bord de l'eau. Avec la chaleur ambiante une petite trempette aurait été la bien venue.



Après une oliveraie assez jolie, je longe une ferme qui exploite une plante qui me rappelle quelque chose. A y regarder de plus près, je suis sur de mon coup : nous avons là une exploitation de cannabis.
A l'entrée de la ferme, un panneau me le confirme. L'adresse de cette exploitation n'est pas une information publique.

The weed farm

On me demande souvent de dater mes articles mais comme je ne fais pas un récit de voyage au jour le jour, que les journaux de voyage sont souvent très ennuyeux, que je ne rédige pas tous les jours, que je fais souvent corrections et retours en arrière, j’aime mieux donner le nom des villes que je traverse, peut être une date de temps en temps et ainsi on peut me suivre au fur et à mesure sur la carte.

Porte San Donato, Lucca

Il est très difficile de décrire chaque ville et village traversés ou étape. Tous ont un caractère très particulier, qu’il s’agisse de petites rues, de places, d’églises. Le soir tout cela est très animé avec les restaurants qui débordent dans les rues, les cafés sur les piazza, un monde fou s’y presse et la ville renaît pour quelques heures encore. De tant en tant une pépite sort du lot comme Pietrasanta sur le chemin entre Massa et Camaiore. Arrivée hier au soir le 7 septembre à Lucques par la porte San Donato, après une journée rendue difficile par des dénivelés affolants et épuisants. Après 500km, je mérite une journée de repos demain. Il y va d’ailleurs plus de la nécessité que du mérite : je suis à bout, plus de de jus ! Il faut impérativement recharger les batteries.






Très bien installé dans l'auberge de la Lune, en plein centre de la ville historique, je passe une journée délicieuse dans cet endroit sublime. Grasse matinée, réveil à 10h visite de la ville et de ses nombreuses églises et palais : San Michele, San Giusto, San Frediano, San Giovanni, et la Cathédrale San Martino.

Sieste de 2 h puis recherche du Secours Catholique pour y déposer mon vieux sac à dos, trop petit et douloureux au niveau des lombaires.

Je laisse la foule des touristes et je erre des heures dans les ruelles et les petites piazzeta adorables. Puis pour finir cette magnifique journée, j’ai pris un billet pour un concert Puccini dans l’église San Giovanni. Il n’aura échappé à personne que Puccini est natif de Lucca, qui organise un festival annuel en son honneur. Bon je ne suis pas un grand connaisseur de l'opéra italien mais enfin ce fut une formidable et instructive soirée. Puis vient le temps de dîner rapidement, de préparer mon sac et d’aller me coucher pour un départ tôt demain matin.

Puccini

La sortie ce matin se fait par la Porte Elisa qui me permet de traverser les remparts considérables protegeant Lucca. Mais de qui cette ville avait-elle besoin de se protéger, ça je n'ai pas très bien compris. En tous les cas, ils ont prévu dans le lourd.

Il y a deux ans on m'avait suggéré de prendre le train pour griller l'étape Lucca/Altopascio dont on m'avait dit qu'elle n'avait que peu d'intéret. Alors cette fois j'ai décidé de la faire quand même et je peux vous confirmer ici et maintenant que ce parcours est totalement insipide si ce n'est de pouvoir rencontrer une recrudescence de  pèlerins qui commencent leur voyage depuis  Lucca. Ainsi il y va de Danielle une québécoise bavarde et drôle avec son amie américaine Michele. Dans la vie il y a énormement de chemins qui sont nuls mais sur lesquels on est bien obliger d'avancer malgré tout.

Danielle la québécoise

Longue étape de 30km pour arriver à San Miniato, où je trouve en haut de la ville une piazza ducale somptueuse, une vue extraordinaire et une cathédrale magnifique où je passe de longs et paisibles moments dans le recueillement devant la petite flamme rouge dansante de la Présence Sacrée. Moments de paix et de grand bonheur.


Piazza ducale. San Miniato

Cathédrale de San Miniato

Depuis San Miniato, on arrive dans la belle Toscane, sinon la merveilleuse Toscane. Les paysages sont sublimes, tels qu'on peut les retrouver sur les plus belles photos des posters d'agences de voyage.






San Miniato, Gambassi Terme puis le célèbre et touristique San Gemignano ! Mon chemin, de descentes vertigineuses en remontées presque verticales, me fait progresser au milieu de cette campagne et, une fois encore je suis sous le charme. Malgré tout, il fait entre 30 et 32° les après-midi et la progression est difficile. Mes yeux, eux, peuvent jouir du spectacle environnant mais mes pieds, les pauvres, n'ont pas ce loisir et sont à la peine pour faire avancer le très léger embonpoint qui agrémente ma silhouette.
Une rencontre touchante que ce père qui marche avec ses deux jeunes enfants, un garçon et une fille de 13 ou 14 ans. Ils sont heureux, de loin j'entends leurs rires. De temps en temps une petite main vient se blottir dans la grosse patoche du papa. Une image qui m'émeut profondément.


Gambassi Terme, dont on a compris que c'est une petite ville thermale, n'est pas particulièrement intéressante mais si un jour vous êtes amené à y passer, il faut absolument prendre vos quartiers à la Villa Certosa, jolie maison avec son petit jardin. Les chambres sont impeccables.


Cette région est très sauvage, peu de fermes, peu de villages, peu d'églises mais heureusement, le long du chemin toujours les appels à la prière et au recueillement.

 


Chaque moment de la journée du randonneur au long cours a sa tonalité propre. Le matin le marcheur démarre dans des dispositions positives, le corps est tout frais et reposé après une nuit réparatrice. Le pied est vif, l’allure enlevée. L’esprit est bien réveillé par un caffè macchiato préparé par l’hôtesse du lieu : les neurones s’agitent en tous sens avec la même frénésie. Il y a un vrai esprit d’équipe chez les neurones, en principe ils tirent tous dans le même sens. Il fait bon de siffloter une rengaine entendue à la radio, de chanter un cantique, voire d'entonner une bonne marche militaire pour donner une bonne cadence à notre affaire.

C’est le moment où l’œil est bien aiguisé pour accueillir les belles images que la campagne me propose et Dieu sait les divines qu’offre l’Italie. Certaines resteront dans les album de photos car l’œil a réagi en un quart de seconde pour saisir le cliché inoubliable qui illustrera le site web du voyageur.

Si le bedeau a mis son réveil à l’heure, il aura eu le temps d’ouvrir les portes de l’église pour permettre aux pèlerins de faire leurs dévotions matinales avant le départ.

L’esprit, toujours alerte dans la fraîcheur du matin, se laisse aller à philosopher sur le sens de la vie, le sens d'un tel voyage, de penser à sa famille et aux amis, aux difficultés et aux joies des uns et des autres. C’est le moment de l'élévation de l'âme et de l’introspection.

Les nombreux oratoires et églises sur le chemin incitent également à la spiritualité et à la prière.

Cette phase essentielle ne dure malheureusement qu’un temps, environ deux heures ou dix kilomètres. C’est à dire jusqu’au moment où une vilaine douleur au petit orteil du pied gauche se réveille et me lancine. Ou peut-être est-ce ce coussinet entre deux vertèbres qui hurle ? Ou cette ascension de 3 km presque verticale alors que la température est montée à un suffocant 35° ? Ou les sangles de ce sac à dos de malheur qui me scient les épaules ?

Il est temps de redescendre des hauteurs cérébrales pour gérer des préoccupations plus bassement terrestres et malheureusement plus douloureuses.

La troisième partie de cette journée de marche, ce sont les 3 derniers kilomètres. Quelque soit la distance parcourue depuis le matin, 10, 20 ou 30km, il y a toujours un problème pour les 3 ultimes. Comme pélerin vers Assise, je ne devrais pas dire ça, mais c'est un calvaire. Je n'en peux plus, mes jambes non plus, mes pieds encore moins, il n'y a que le mental qui permet encore de me traîner jusqu'à l'arrivée dans un état d'exténuation très avancé.

Le nirvana après ces difficultés est d’arriver à l’hébergement, de me jeter sur mon lit et de me réjouir de la merveilleuse journée que je viens de passer.


San Gemignano, la foule des touristes se bouscule. La cohue est insupportable. Je fuis. Mais en fuyant je me retourne et je vois ça. De loin c'est encore plus beau.


Une belle journée de 33 km, à l'ombre des chemins de forêts assez facile, une légère brise me rafraîchit, c'est divin !
Enfin au détour du chemin j'aperçois la perle de la Toscane, Monterigioni !
Petit village, presque un hameau fortifié. C'est magnifique. J'ai la chance d'avoir pu trouver une chambre dans l'hôtel à l'intérieur des remparts et le soir nous nous retrouvons, tous les pèlerins rencontrés ces derniers jours au café sur l'unique place  du village, autour de grandes tablées. Il y en a de toutes les nationalités, l'ambiance est chaleureuse, tous n'étant pas peu fiers d'avoir pu réaliser ce qu'ils pensaient impossible depuis quelques jours.

Monterigioni, la perle de la Toscane

Cette dernière étape sur la Via Francigena, sur les sentiers des forêts entre Monteriggioni et Sienne, se passe sans difficultés. Il fait beau mais la forêt offre une ombre bien agréable et une légère brise me rafraîchit. Le sentier est bien déroulant et la journée est un délice pour le pèlerin.

Sortie de nulle part un château fort impressionnant. Je ne sais pas s’il est habité mais peut-être manque-t-il, malgré tout, de confort moderne. Le coin est pratiquement désert et sa présence me paraît totalement incongrue.

Dans une clairière, une unité de la valeureuse armée italienne est à l’entraînement. Je regarde intrigué. La troupe me paraît faire preuve d’une nonchalance bien contraire au propre d’une activité militaire sérieuse. Je cherche vainement dans le comportement de la troupe un semblant d’attitude martiale voire une posture agressive et guerrière.

Un peu plus loin c’est une autre équipe qui s’entraîne au maniement de mortiers de 15 pouce. Je crains qu’ils n'utilisent de vraies munitions car l’exercice ne me paraît pas bien rodé. La trouille au ventre, je quitte le secteur avec vitesse et précipitation de peur de me faire allumer suite à une erreur de visée du pointeur.

Nous sommes le 14 septembre et c’est l’arrivée à Sienne, après avoir marché exactement 1 mois pour parcourir 627 km soit la moitié de mon voyage et en temps et en kilomètre. Arès mon installation dans un hôtel superbement décoré, l’hôtel Chiusarelli, il est temps de revoir l’extraordinaire cathédrale de Sienne dont le sol est décoré d’incroyables scènes en marbre. C’est tellement beau, quel talent !






Un dernier au revoir à mes amis pèlerins dans un café de l’unique Piazza del Campo et c’est le moment de rentrer.


Ce matin, 15 septembre, traversée de la ville pour rejoindre la gare, c’est la rentrée des classes et la ville baigne dans une ambiance de chahut assez drôle et bon enfant.

C’est donc pour moi la fin de la Via Francigena, que je connais bien maintenant au bout du deuxième parcours, pour me lancer dans l’inconnu à partir de Florence demain. J’en suis content car j’ai la certitude de pouvoir progresser complètement seul pendant les 4 ou 5 jours nécessaires pour parcourir les 80 km jusqu’au sanctuaire de la Verna sur la méconnue Via Ghibellina.

Après-midi à Florence passé à rechercher le point de départ de ma marche demain. Mon hôtel est évidemment de l’autre côté de la ville et il faudra rajouter 3 km aux 21 prévus. Dès que j’approche les sites touristiques, la bonne vieille foule est là, Florence restera Florence. Une incroyable église orthodoxe, dans le style renaissance florentine à proximité de mon hôtel.

Dès que je quitte les berges de l’Arno, ça commence à grimper à l’italienne, c’est à dire tout droit et bien raide. Les chemins et routes en lacet restent à enseigner à l’école nationale des travaux publics.

100 m sous le sommet de mon ascension une voiture passe et me voyant à la peine, le conducteur s’arrête et m’embarque chez lui pour me donner une bouteille d’eau qu’il sort du frigidaire. De l’or en barre ! Puis il me reconduit là où il m’avait pris. Il s’appelle Salah, d’origine marocaine, la gentillesse de ce type c'est inouï !

Arrivé chez mon hôtesse à Rignano sull’Arno bien crevé avec mes 450 m de dénivelé dans les pattes, elle m’annonce que ce sera encore pire demain avec 1000 m de dénivelé. Devant ma tête effondrée, elle me propose de conduire mon sac à la prochaine étape gratuitement.

Voilà deux événements dans la même journée qui une fois encore montrent l’extrême gentillesse des italiens. En un mois, depuis mon départ, pas une seule fois je n’ai entendu un mot au dessus de l’autre, de l’énervement ou de la mauvaise humeur. Les marques de prévenance, de gentillesse, ne se comptent plus. Ils ne savent pas quoi faire pour faire plaisir et être accueillants. J’aime beaucoup les italiens. Et je les aime surtout quand ils me proposent pour le diner, à Vallombrosa tout la haut dans la montagne, des raviolis sauce aux cèpes et fourrés aux truffes : à tomber de l'armoire.

Raviolis aux truffes

Au départ de Vallambrosa, journée difficile de 31km avec encore des bonnes pentes bien raides. Impossible de trouver quelqu'un pour porter mon sac à part moi. Je passe le col sous une bonne averse et dans le brouillard.

Une éclaircie plus bas dans la vallée

Epuisé j'arrive au pied du but de ma journée, la ville de Poppi, et je me bloque, incapable de  faire le dernier kilomètre pour accéder à mon auberge au sommet du village. Un pied devant l'autre, péniblement, j'arrive quand même, à gravir cette colline dans la douleur. Finalement, ma récompernse, ce sera une chambre somptueuse avec une vue magnifique sur la vallée et sur le village que je traverserai demain.

Au fond le village de Bibbiena

Poppi

Le lieu de La Verna sur le flan du Mont Penna 1283 m, avait été donné par un noble du voisinage, à la communauté naissante des moines franciscains. C'était un endroit éloigné de tout, perdu dans la montagne, loin de la foule et donc idéal pour la prière et la vie intérieure. Je peux confirmer de première main, que c'est très haut dans la montagne et très difficile d'accès. Saint François y est venu en 1224 pour prier et jeuner pendant 40 jours avant la Saint Michel. C'est pendant ce temps de prières qu'il reçu les stigmates. Aujourd'hui le sanctuaire appartient toujours à la communauté des moines franciscains et un lieu de pélerinage très important et visité en Italie. Le sanctuaire de La Verna est également le départ de la Via di Francesco, pélerinage d'environ 250km pour arriver à Assise. C'est sur ce chemin que je marche actuellement.
Nous reparlerons de Saint François quand je serai à Assise.

A La Verna, je retrouve mon ami Antonio, que j'avais rencontré il y a 2 ans sur la Via Francigena et avec lequel j'avais gardé contact. Grand marcheur, grande culture, ancien professeur de philo. Une encyclopédie sur toutes les églises et chapelles du nord de l'Italie. Nous aimons tous les deux marcher de manière indépendante.


La croix du sanctuaire de La Verna

Saint François reçoit les stigmates


Après les difficultés terribles rencontrées pendant la traversée de Florence à La Verna, la récompense arrive sur le chemin de Saint Francois. C'est juste somptueux ! En particulier les étapes de Pieve San Stefano jusqu'à Sansepolcro. Des panoramas saisissants, des forêts magnifiques, le beau temps, c'est le rève ! En plus je suis seul dans cette nature accueillante et c'est un bonheur supplémentaire. En fait pas si seul que ça car j'entends au loin, très loin, les cloches des vaches qui jouent une partition alpestre. Je suis aux anges. Mon chemin passe au dessous de l'ermitage habité de Cerbaiolo perdu au milieu des rochers dans un désert de forêts.

Cerbaiolo

On me dit ça et là et dans quelques guides que cette région est peuplée de quelques loups et ours mais en fait de faune sauvage je n'aurai croisé une harde de daims et beaucoup de traces de sangliers. Donc aucune inquiétude à avoir. 

Au fond le lac de Montedoglio


Très-Haut, Tout-Puissant, bon Seigneur,

à toi les louanges, la gloire et l’honneur et toute bénédiction.

A toi seul, Très-Haut, ils conviennent,

et nul homme n’est digne de te nommer.

 

Loué sois-tu, mon Seigneur, avec toutes tes créatures,

spécialement messire frère soleil,

qui est le jour, et par lui tu nous illumines.

Et il est beau et rayonnant avec grande splendeur,

de toi, Très-Haut, il porte le signe.

 

Loué sois-tu, mon Seigneur, pour sœur lune et les étoiles,

dans le ciel tu les as formées claires, précieuses et belles.

Loué sois-tu, mon Seigneur, pour frère vent,

et pour l’air et le nuage et le ciel serein et tous les temps,

par lesquels à tes créatures tu donnes soutien.

 

Loué sois-tu, mon Seigneur, pour sœur eau,

qui est très utile et humble, et précieuse et chaste.

 

Loué sois-tu, mon Seigneur, pour frère feu,

par lequel tu illumines la nuit,

et il est beau et joyeux, et robuste et fort.

 

Loué sois-tu, mon Seigneur, pour sœur notre mère la terre,

qui nous soutient et nous gouverne,

et produit divers fruits avec les fleurs colorées et l’herbe.

 

Loué sois-tu, mon Seigneur, pour sœur notre mort corporelle,

à qui nul homme vivant ne peut échapper.

 

Louez et bénissez mon Seigneur, 

et rendez-lui grâces

et servez le avec grande humilité.

 

François d’Assise


Une nuit dans un refuge de la réserve naturelle Alpe della Luna accueilli par Daniele. La veillée avec un couple de Bruxellois, une jeune étudiante française et Antonio autour de la cheminée se passe dans une ambiance de franche rigolade. Un trop bon moment !

Il refugio

Au petit matin, quand il faut partir, le soleil éclaire la rosée prise dans une toile d'araignée parfaite, comme le cadeau de la nature pour me souhaiter une belle journée.


Depuis la nuit des temps les pèlerins marquent leur passage en empilant des cailloux plats les uns sur les autres, des plus grands aux plus petits, autant de petites colonnes, autant de témoignages.


Au sanctuaire franciscain de Montecasale, perdu dans la montagne, une statue d'un moine assis sur le muret de la terrasse veille sur la vallée et les habitants de Sansepolcro, but de mon étape de ce jour le 22 septembre.


Malheureusement pour ceux qui veulent suivre ma trace depuis leurs portables, il y a un problème avec ceux de la marque Apple. Ça ne fonctionne pas et j'essaie avec le fabriquant de la balise de remédier à ce problème.
Egalement on peut voir sur le secteur que je traverse actuellement une deuxième trace avec des espaces plus longs. Il s'agit d'un trajet que j'avais fait en moto en 2016 ou 2017 en revenant du sud de la Turquie pour rejoindre la France dans le cadre de mon voyage en moto "Cape to cape" et une tentative complètement loupée de m'arrêter à Assise, faute d'une chambre de disponible dans les hotels de la ville. Mon deuxième essai sera un grand succés j'en suis certain.

Cette journée du 23 septembre est passée à rejoindre les deux montagnes qui se trouvent de part et d’autre de cette plaine dédiée à la culture du tabac, la Haute Vallée du Tiberina. Étape courte et facile entre Sansepolcro et le village de Citerna. Cet endroit, très sensible aux tremblements de terre, fréquents dans la région, a été très abîmé par celui de 1917. Une petite place et un café, lieu de rendez vous de tous les pèlerins, vers l’heure du déjeuner.  

La plaine au tabac

Puis visite de l’église avec moult informations délivrées par l'historien local, le professore Vincento Scopioni, dont je ne comprends pas toutes les saillies vu le débit verbal de l’intéressé. Néanmoins regarder cette Madone à l’Enfant se passe de discours, il n’y a qu’à admirer, ouvrir son cœur et se laisser aller à l’émotion. Les mots sont inutiles.

La Madonna de Citerna

Finalement, après avoir retraversé la Haute Vallée de la Tiberina dans l'autre sens, je pars pour une étape de 32km de Citta di Castello à Pietralunga. C'est reparti dans les montagnes avec de bonnes grimpettes à la clef. Encore une fois je suis porté par la beauté des paysages, par cette solitude choisie et tellement bien vécue. Ces moments incomparables me donnent conscience que je vis un bonheur de beauté, de nature et de richesse extraordinaires. Dieu en soit loué ! Merci ! Merci ! Merci !
Puis à mi-parcours je tombe sur encore une merveille comme l'Italie nous en réserve tant : la Pieve di Saddi. Petite èglise, à l'origine du 3 ou 4ème siècle, au milieu de nulle part, sans un village à proximité, mais bien vivante. La légende raconte que quelques prêtres avaient été envoyés pour évangéliser cette région. L'un d'eux, Crescenziano, tua un dragon qui terrorisait les environs, alors que les soldats envoyés par l'empereur n'y parvenaient pas. Furieux et humilié, celui-ci fit exécuter Crescenziano. Il n'en fallait pas plus pour convaincre les populations locales d'embrasser avec enthousiasme la foi chrétienne. 
La Sainte Présence est là, donc cette église est utilisée régulièrement. Une fresque très ancienne d'une Vierge à l'Enfant décore un pilier de la nef. Une curieuse statue de San Francesco avec un oiseau sur la tête qui n'a pas l'air de le déranger. Une dame hospitalière trop gentille me sert une salade de tomates, qui vaut  bien mieux que tous ce que proposent les grands restaurants parisiens.  
Encore un moment tellement précieux ! 

Pieve di Saddi

Belle église

Fresque de la Vierge à l'Enfant

Je suis

San Francesco avec un oiseau sur la tête

Quelques centaines de mètres après mon départ les cloches de l'église se mettent à sonner comme pour me dire 'au revoir' et m'encourager pour le reste de ma marche. Dire que je suis aux anges n'est pas assez fort ! Je finis ma journée d'un pas léger.


Puis c'est l'arrivée à Gubbio, avec dans la partie inférieure les anciennes arènes romaines et plus la magnificence des palais et églises de la ville médiévale, surveillée par l'église dédiée au Saint Patron de la ville, Saint Ubald,que l'on ne peut atteindre que par un petit téléphérique.

Gubbio vue d'en bas

Gubbio vue d'en haut

Et toujours au milieu de la forêt des petites chapelles où les pèlerins ont déposé des objets religieux en signe de leur foi.
La petite église du Ripe

avec sa fresque 

Etape dans la montagne dans l'agriturismo de Biscina. Vue extraordinaire sur la vallée.

Dans ces régions très montagneuses, les terres cultivables sont rares et les agriculteurs sont malgré tout obligés à utiliser des parcelles tellement pentues que chez nous on y ferait paître du bétail ou on les laisserait en jachère. Alors pour le travail des champs, ils utilisent des petits tracteurs à chenilles qui ne travaillent que dans un sens, à la descente et ils remontent à vide. Pour les labours ces tracteurs ne sont équipés de charrues à un, voire deux socs seulement. Évidemment cela ralenti considérablement les activités agricoles mais c’est comme ça et tout le monde semble y trouver son compte.


Parti de bon matin de Valfabbrica, pour les douzes dernier kilomètres vers Assise, je rencontre beaucoup de pèlerins dans cette ultime étape. 


Pieve de Coccorano


Le chemin est jalonné par de nombreuses croix, oratoires et chapelles où l’un et l’autre se recueillent en silence. Pendant quelques kilomètres je me joins à un groupe d’italiens emmenés par leur prêtre qui marchent en priant. Moments de vraie fraternité et d’une forte densité. 

Puis au loin dans la brume en apercevant les clochers de la ville, une forte émotion me gagne. Enfin l’arrivée après tant d’efforts et tant de joies !

Basilique Saint François

Je ne comprends pas très bien pourquoi je me fais refouler de la basilique Saint François et j’en éprouve une certaine irritation. Après 7 semaines de marche, je trouve ça un peu fort de café. Je ne suis pas venu ici après 900 km à pied pour faire du tourisme. Enfin comme il y a au moins une église dans chaque rue, j’en trouverai bien une qui m’accueillera. Ce sera la Basilique di Santa Chiara, de Sainte Claire.

Basilique Sainte Claire

Il y a quatorze ans, alors que tout était perdu, Dieu m’a fait le cadeau extraordinaire d’une deuxième vie dont chaque journée a été une remplie par ce qui m'a semblé une vie entière. J’en ai tellement profité mais surtout j’espère en avoir été digne. Alors aujourd’hui dans cette église, dans le silence de mon coeur, dans la louange infinie, je la Lui offre, je la Lui rends. Merci ! Merci ! Merci ! 

Giovanni di Pietro Bernardone est né à Assise en 1181 dans une riche famille de drapier. En l’absence de son père, parti en France pour ses affaires, sa mère l’a fait baptiser sous le nom de Giovanni, mais à son retour en souvenir d’un voyage très fructueux, il décida de lui donner le nom de François.

Ce dernier eut une enfance protégée et une adolescence assez dissipée. Il fut très marqué pendant sa jeunesse par la littérature chevaleresque qui était diffusée dans les cités italiennes et qui offrait des modèles et des songes aux jeunes gens. François rêvait de gloire militaire et cherchait par ascension sociale à sortir ainsi de son état de bourgeois pour devenir chevalier. L’occasion lui en a été donné par le besoin en hommes d’arme par les nobles et les villes qui n’arrêtaient pas de se chamailler à cette époque là. Malheureusement pour lui il fut fait prisonnier lors de ces combats et probablement contracta la tuberculose pendant cette année d’incarcération.

Retour à Assise, très penaud.

 . Libéré grâce à l’intervention voire à la fortune de son père, c’est à son retour à Assise, tout penaud, qu'il abandonna complètement ses projets chevaleresques et qu’il commença à changer de vie et à fréquenter les églises : une visite dans une léproserie est le moment où, probablement, il décida de se consacrer à l’Eglise et aux pauvres. Il a voulu par là signifier son désir de voir l'Église retourner à sa mission première : être pauvre parmi les pauvres suivant ainsi le vieil adage « suivre nu le Christ nu ». Malheureusement au niveau de la méthode il y a un problème car pour les indigents, la pauvreté et la misère sont des états dont ils ne souhaitent qu’une chose c’est de se sortir à tout prix. De choisir délibérément la pauvreté n’est probablement pas le moyen de les aider à s’en sortir si ce n’est pour leur apporter un certain réconfort. Comme disait un de mes amis un pays pauvre ce n’est pas un pays où il n’y a que des pauvres, c’est un pays où il n’y a pas de riches.

En finançant construction d’églises et aumônes, par des prélèvements sur la fortune de son père sans trop le prévenir, ce dernier finit par lui intenter un procès qu’il gagna. Vivant comme un indigent, et il réunit autour de lui une communauté d’hommes qui seront les premiers membres de l’ordre des franciscains. Plus tard il s’est retrouvé en décalage avec sa communauté qui avait eu tendance à s’enfermer dans des monastères ou à se tourner vers l’enseignement, alors que lui préconisait un sacerdoce ouvert et dans la vie. Il se consacra alors à écrire la règle de l’ordre.

A sa mort ils seront 2 ou 3000 disciples de François.

Saint François d’Assise est un personnage d’une grande importance pour les catholiques du monde entier mais évidemment particulièrement en Italie dont il est le Saint Patron. Assise est un lieu de pèlerinage considérable, ce dont j’ai pu juger par le nombre important de pélerins de multiples nationalités rencontrés depuis dix jours sur la fameuse Via di Francesco.

Considérant les animaux comme des créations vivantes de Dieu et les élevant au rang de frère de l'homme, il est devenu le Saint Patron des animaux. 


« Mes frères les oiseaux, vous avez bien sujet de louer votre créateur et de l’aimer toujours ; Il vous a donné des plumes pour vous vêtir, des ailes pour voler et tout ce dont vous avez besoin pour vivre.
De toutes les créatures de Dieu, c’est vous qui avez meilleure grâce ; il vous a dévolu pour champ l’espace et sa simplicité ; Vous n’avez ni à semer, ni à moissonner ; il vous donne le vivre et le couvert sans que vous ayez à vous en inquiéter» .

Saint François est souvent représenté sur des tableaux ou des sculptures avec un loup à ses pieds. Ceci vient d’un miracle ayant eut lieu à Gubbio, où il réussit à calmer un loup qui terrorisait la ville. Pour signifier qu’il acceptait le ‘contrat’ que François lui proposait, le loup posa sa patte sur sa main et l’affaire ainsi conclue, la paix revint sur la ville.

Il est décédé en 1226.

Quelques photos de la ville d'Assise : petites rues, palais, églises, fortifications, marchands du temple, touristes... Malheureusement comme à Compostelle ou à Rome je n'ai pas accroché à Assise. Je dois avoir un problème avec la foule, la grandeur et le convenu.










Au petit matin en traversant un hameau dans la montagne, j'adore cette petite chapelle toute simple et surtout ce clocher minimaliste qui me change un peu des tours urbaines monumentales.


Après Assise le chemin continue au milieu des oliviers et traverse des villages toujours sur les hauteurs, Spello avec ses rues fleuries, Trevi, Compello Alto, Poreta et ses magnifiques massifs de jasmin bleu.



Dans les montagnes l'ermitage des Carceri, qui n'était pas une prison mais un endroit où Saint Francois et ses disciples venaient prier dans des grottes que l'on appelait des cellules. Des batiments et une petite chapelle ont, plus tard, été construits autour de la grotte principale. De nombreux pélerins sont présents dans ce lieu et prient dans un silence impressionant de ferveur.

Lorsque je me trouvais en Toscane, je discutais avec la propriétaire d’un hôtel et lui racontais que Monteriggioni était sûrement la perle de la Toscane et même de l’Italie. Elle m’avait alors répondu que des Monteriggioni, il y en avait des centaines dans son pays. Effectivement aujourd’hui sur le chemin entre Trevi et Portora, je suis encore tombé sur une merveille à savoir le hameau fortifié de Compello Alto. Pour aller visiter cet endroit, j’ai été obligé de quitter mon itinéraire mais cela valait incroyablement le coup. Petit hameau, peut-être 10 ou 15 habitants complètement fortifié. Évidemment aucun magasin, il n’y a plus que des personnes âgées qui y résident. Des petites maisons de poupée. J’ai adoré.

Compello Alto

Dans mes commentaires plutôt dithyrambiques sur ce que je vois de l’Italie et sur les contacts que j’ai avec les italiens, il ne faut voir aucune flagornerie de quelque sorte que ce soit. J’aime ce pays et je le dis bien volontiers. Il y a pourtant un point où je suis très critique c’est la manière dont ils s’occupent de leur chiens. En général, ils n’ont des chiens que pour l’utilité qu’ils en font, soient des chiens de garde soient des chiens de chasse. Enfermés dans des cages, sur des balcons, dans ses petites courettes, dans des petits jardinets, dès qu’un passant approche c’est un déchaînement d’agressivité et de violence incroyable. Heureusement il y a des clôtures car il pourrait y avoir des attaques dangereuses. Les chiens de chasse c’est pareil , ils sont enfermés toute l’année et on ne les sort que pour l’ouverture. La saison finie on ne les revoit plus. C’est pitoyable et cela me fend le cœur de voir ça. La plupart du temps ces pauvres bêtes sont des petits roquets abâtardis ou des chiens loup très violents. Dans un pays dont le Saint Patron est également le Saint Patron des animaux on comprends mal la relation des italiens avec leur chien. Quand je disais que mon chien, comme la plupart des chiens en France vivait dans ma maison, mes interlocuteurs ne voulaient pas me croire.

J'en connais un que n'aurait pas aimé l'Italie car il n'était bien que sur SON divan.


La visite, peut-être d’une centaine d’églises depuis mon départ m’amène à la réflexion suivante probablement un peu iconoclaste. Il existe une grande différence entre la musique et la peinture religieuse. On peut trouver dans la première des morceaux très enlevés, des chœurs sublimes, des orgues puissants qui ne peuvent qu’entraîner et emmener la ferveur des paroissiens vers des hauteurs divines. La messe du Messie de Haendel en est le meilleur exemple mais il y en a tant d’autres chez Mozart, Bach… Mais je dois avouer que les peintures ou fresques que j’ai vues, pour la plupart, m’ont énormément ennuyées. Les allégories sur la vie des saints, la vie des pères de l’Eglise, les Pietas, le Christ en croix, évidemment, tout ça n’est pas d’une grande gaité. Le talent des artistes n’est pas en cause bien sur. Peut-être qu’à une certaine époque ces tableaux avaient un effet sur la spiritualité des gens mais pour ma part je les trouve plutôt indigestes. Les seuls qui m’ont vraiment touchés sont les Vierges à l’Enfant. Les peintres ne s’y sont d'ailleurs, pas trompés car il existe une quantité astronomique de tableaux sur ce sujet. Ils nous montrent la tendresse de l’amour maternel, l’attachement de l’Enfant à sa mère, les mêmes attitudes que l’on retrouve en regardant une mère et son enfant aujourd’hui et qui sont porteuses de tant d’émotions.

Mais comment foi et émotion doivent elles être liées ?

Aujourd'hui le 5 octobre je viens de passer les 1000 km depuis Ivrea et je n'en suis pas peu fier. La ville de Spoleto où je fais étape est magnifique et je pourrais faire un album de 1000 photos tellement il y a de belles choses à voir et à montrer. Mais voilà je suis vers la fin de mon voyage et la fatigue voire beaucoup de flemme me font penser que la foule immense de mes lecteurs viendra, le moment venu, admirer par elle-même la beauté des lieux.


Après Spoleto où j'ai dégusté la meilleure des gelati à la pistache et au piment, j'attaque la montée du Monteluco sous la pluie battante. Arrivé en haut un bref rayon de soleil me donne une vue sublime du panorama, avant que l'orage cette fois, se manifeste de la voix et de l'arrosoir. Le soir il faudra sécher les vêtements au sèche-cheveux. 

Sous la pluie ...

et le soleil.

En pleine montagne, après avoir bien crapahuté pour monter jusque là, je tombe sur un ermitage fermé avec cette inscription sur la porte que j'aurai encore plus apprécié si quelqu'un m'avait ouvert la porte pour un verre d'eau. Je remarque d'ailleurs avec un peu de frustration, que depuis Assise, pratiquement toutes les églises et chapelles sont fermées. 



"Après le travail, le repos est bienvenu"

Etape au bord du lac de Piediluco d'où je vois le petit village de Labro, accroché sur une montagne voisine. Evidemment le lendemain je dois grimper cette montagne pour rejoindre ce village d'où j'ai un panorama époustouflant, d'un coté sur le lac et  de l'autre sur les montagnes que je dois traverser plus tard dans l'après midi et dont la vue ne me rassure pas du tout.


Village de Labro

Lac de Piediluco

Au loin ces belles montagnes si difficiles

Quelque part dans les montagnes autour de Poggio Bustone, des statues en bronze dont je n'identifie pas les personnages. L'un me regarde directement dans les yeux d'un air irrité,  les bras écartés dans une sorte d'exhortation impérative: peut être ne trouve-t-il pas ma foi assez profonde, peut être ma manière de la vivre ne lui convient pas. Il me fait un peu peur. L'autre, que je croise de nuit,  a les yeux tournés vers le ciel, dans un geste de supplique, d'incantation: je pense qu'il invoque Dieu pour qu'Il continue de me protéger le long de mon chemin.  Malgré tout il me fait un peu peur aussi. Peut être sont-ils des émules de Saint François dont ils partagent l'amour des animaux et dont les bras ainsi étendus sont de bons perchoirs où les oiseaux viennent se reposer après une fatigante journée en quête de nourriture ?





La journée s'achemine agréablement à travers bois et forêts en direction de Rieti. Dans une clairière, 4 jeunes allemands sont allongés dans l'herbe et me convient à partager leur déjeuner. Ils sont remplis de joie et de bonne humeur et nous passons une heure d'amitié authentique. La fraternité spontanée entre pèlerins est toujours une réalité qui rend ces aventures tellement riches et inoubliables. Chemins de foi, de beautés et de rencontres !
Sur la montagne juste au dessus de Rieti, je tombe sur l'ermitage de Notre Dame de la Forêt où se dit la messe du dimanche. Depuis que je voyage, dans le monde entier, à chaque messe à laquelle j'ai participé, j'ai toujours été frappé par ce lien invisible, cette communion si forte avec le reste de l'assistance malgré nos différences de culture, de langue voire de race. Cette fraternité dans notre foi est la vrai richesse de mes errances.


Notre Dame de la Forêt


Bien déçu à mon arrivée à Rieti car je me fais refouler de la cathédrale pour une raison incompréhensible et sur un ton inadmissible. Avec l'accueil épouvantable dans la basilique Saint François à Assise, décidemment je n'ai pas beaucoup de chance avec ces grandes églises prestigieuses.
Rieti est sous la pluie, les bâtiments en granite noir sont sinistres et d'impatience je compte les heures avant mon départ de cet endroit. 
Mais Rieti d'après de savants calculs est exactement au centre de l'Italie comme il l'est rappelé sur une stèle dans la vieille ville, mais en ce qui me concerne, ce qui me parait le plus intéressant à la sortie de la ville c'est le panneau qui indique la distance restante pour Rome : les 100 derniers kilomètres.




Au début de ce voyage je pensais et je l’avais écrit, qu’après Assise, ce serait une douce descente vers Rome. Erreur. Les montagnes sont toujours là les unes après les autres qu’il faut bien franchir. L’étape d’aujourd’hui, de Poggio San Lorenzo à Ponticelli est épouvantable de difficultés avec des pentes de 25 à 30 %. Pour deux kilomètres de moins que celle d’hier, je mets une heure de plus. J’arrive a l’étape épuisé, ko debout. J’y retrouve mon ami américain Adam, que je croise et recroise depuis quelques jours et nous allons nous remonter le moral au seul bar du village. Les bières défiles, nous commençons à dire des bêtises. Tous va bien, tout va mieux.

Dans 3 jours l’arrivée à Rome mais avant , la dernière difficulté de ce voyage, il faut passer la journée de demain, terrible avec ces 30 km et ces montagnes italo-russes, punition pour les épaules et pour le moral. Mais, maintenant, si près du but il est impensable de flancher,  la seule volonté permet d’avancer, de mettre un pied devant l’autre inexorablement, le corps lui aimerait jeter l’éponge. Cela fait exactement un mois, depuis Florence, que je marche dans les montagnes et la fatigue est là, bien pesante. Jamais je n’avais imaginé une telle difficulté pour cette partie du voyage. Mais jamais je n’avais imaginé non plus la beauté de ce pays et l'extrême gentillesse des italiens.

L'avant dernier jour de cette belle aventure, quand au petit matin je quitte mon hébergement, je me retourne en un au revoir silencieux, j'aperçois la ville de Monterotondo et loin derrière les si belles mais difficiles montagnes que j'ai traversées depuis quelques semaines. Mais devant moi les sommets des montagnes se sont arrondis, les vallées sont moins profondes et peut être au loin aperçois-je Rome.




Et c’est le dernier matin. Avant de partir pour cette ultime étape , je m’allonge quelques instants sur le lit de ma chambre d’hôte en banlieue de Rome et une vague d’ émotions me bouleverse . La joie d’arriver au bout d’un incroyable et magnifique voyage, la fierté d’avoir relevé un défi physique complètement insensé, le bonheur de retrouver les miens demain après midi et aussi une grande tristesse de quitter ce beau pays qui m’a apporté tellement de moments exceptionnels et de rencontres si simples mais si authentiques et si fortes. Que de souvenirs !

Seigneur Jesus merci pour cette nouvelle journée !

Aide moi à la vivre comme si c’était mon unique journée .

Aide moi à agir devant ton regard aujourd’hui !

Je t’offre chacune de mes pensées, paroles et actions.

Sainte Vierge Marie, je t'en prie, porte à ton Fils mon offrande de cette journée !


Depuis quelques jours mon corps m'envoie des signaux pour me dire qu'il faut arrêter, qu'il ne faut pas aller au delà de la limite autorisée. 71 ans , 1200 km, c'est magnifique mais je n'irai pas plus loin. 


Puis c’est la traversée de Rome, sale comme une décharge publique. Mon itinéraire me fait passer le long de la rivière et à travers quelques parcs pour éviter les grandes avenues. C’est immonde, des détritus partout sur le bord des rues, dans les fossés aucune voirie. Une honte !


en 


Enfin l’arrivée sur la place Saint Pierre, le terme de mon voyage. Je ne sais pas si c’est la sueur de ma marche matinale qui me passe dans les yeux ou peut-être une petite larme d’émotion. C’est un moment très très fort. Recueillement et louanges. 

Installation pour une nuit dans une chambre d’hôte derrière et contre le Vatican. Si je vois le Pape je peux lui faire coucou depuis la fenêtre de ma chambre. Mais je suis trop épuisé et j'essaie de dormir en vain l'esprit traversé de tant d'émotions, de souvenirs et de quelques douleurs également. 


La porte du musée du Vatican depuis ma chambre

Avant la fermeture je me précipite dans la Basilique Saint Pierre et selon le souhait de ma cousine Christine qui vient de perdre son mari, je me recueille devant l'extraordinaire Pieta de Michel-Ange  tout de suite à droite de l'entrée : sublime monument de foi et de beauté.  Le visage de la Vierge parait bien jeune alors qu'au moment de la mort de Jésus elle devait avoir cinquante ans environ. Michel-Ange donne plus d'importance à la beauté incomparable de la Vierge  qu'à sa douleur et ainsi se démarque de l'image de la Madre Dolorosa, habituel dans d'innombrables autres Pieta.





Demain l’avion pour rentrer à Paris et retour à ma petite vie de retraité. L'Italie, les italiens vont me manquer. Il faudra que je revienne vite. Déjà j'ai une petite idée de mes prochaines aventures italiennes  mais il me faudra encore beaucoup de travail de préparation pour un itinéraire très ancien mais tombé dans l'oubli depuis des siècles. Je partirai à la découverte du sud de l'Italie.





                                                                    A piu dopo !



Le vie verso Il Signore sono spesso difficile ma sempre cosi belle !                             Quando  arrivero davanti alla Sua porta, Lei me lo aprira e questo sarà l'inizio di un altro grande viaggio !